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Pie VI
Carissime in christo fili noster, salutem,
et apostolicam benedictionem



Rome
9 juillet 1790





Pius P. P. VI.
Carissime in christo fili noster, salutem, et apostolicam
benedictionem

Nous ne doutons nullement, notre très-cher fils, de votre attachemeut à la religion catholique, apostolique et romaine, au centre de l'unité, au saint siege, à nous-mêmes et à la foi de vos glorieux ancêtres ; mais nous devons craindre que par des raisonnemens captieux et illusoires, on ne surprenne votre amour pour vos peuples, et qu'on n'abuse du desir ardent qu'à votre majesté de voir rétablir l'ordre et la paix dans son royaume. Vicaire de Jésus-Christ, chargé du dépôt de la foi, nous devons vous éclairer, sire, non sur vos devoirs envers Dieu et envers vos peuples ; (nous vous croyons incapable de trahir votre conscience et de la sacrifier aux spéculations d'une vaine politique) mais nous devons vous dire avec fermeté et amour paternel que, si vous approuvez les décrets concernant le clergé, vous induisez en erreur votre nation entiére, vous précipitez votre royaume dans le chisme, et peut-être dans une guerre cruelle de religion. Nous avons eu l'attention scrupuleuse de ne pas l'exciter, en n'employant jusqu'ici que les armes innocentes de la priére ; mais si la religion continue à être en danger, nous serons obligés, comme chef de l'église, de faire entendre notre voix, sans jamais toutefois nous écarter des règles de la charité ; nous devons beaucoup au monde, Sire, mais plus encore à Dieu.

Ne croyez pas qu'un corps purement politique puisse changer la doctrine et la discipline universelle de l'église, mépriser et compter pour rien le sentiment des saints pères, des conciles, détruire la hiérarchie, ni statuer sur l'élection des évêques sur la suppression des sièges épiscopaux, en un mot changer à son gré et défigurer toute l'organisation de l'église catholique.

Votre majesté a deux archevêques dans son conseil, dont l'un, pendant le long cours de son épiscopat, a défendu la religion contre les attaques de l'incrédulité, et l'autre est assez instruit pour ne pas en ignorer les règles. Qu'elle leur demande leur avis, qu'elle consulte un grand nombre d'autres évêques et de docteurs distingués par leur piété et leur savoir ; et qu'elle ne hasarde point son salut éternel et celui de ses peuples en donnant une approbation précipitée qui scandaliseroit toute la catholicité.

Votre majesté a fait les plus grands sacrifices au bonheur de sa nation ; mais si elle a pu renoncer aux droits attachés jusqu'ici à sa couronne, elle ne peut, pour aucune considération, sacrifier ce qu'elle doit à Dieu et à l'église, dont elle est le fils aîné.

Si nous avons, comme chef de l'église, de vives afflictions, nous en avons ainsi que vous, notre très-cher fils, comme prince temporel. Votre majesté est instruite de la révolte d'Avignon et de l'offre que cette ville a faite à la Nation Française de se donner à elle. Nous croyons que cette même nation éclairée n'acceptera jamais une pareille offre, et que le cœur de votre Majesté s'y refusera entièrement ; puisqu'il s'ensuivroit d'un tel exemple,(outre l'injustice évidente) que la dite Nation Française ne pourroit réclamer, si ses provinces venoient à se révolter, pour s'unir à d'autres limitrophes ; ce qui pourroit très facilement arriver dans le bouleversement actuel de tout Votre royaume.

Confions-nous à la divine providence : méritons, par notre attachement à la foi de nos pères, qu'elle vienne à notre secours. Nous ne serons véritablement heureux, notre très-cher fils, que lorsque le bonheur et la tranquillité de votre majesté seront également assurés.

C'est dans ces sentimens que nous donnons de tout notre cœur, à votre majesté et à toute votre auguste famille, notre paternelle et apostolique bénédiction. Dat. Rom. apud S. mariam majorem 9 Julii 1790 Pontijicatûs nostrianno XVI. Signatum Pius P. P. VI.


Certifié conforme à la cote, n°. 23, par les membres de la Commission des Douze. Signé, Rabaut-Pomier, Borie, Bolot, Saurine, Bernard, Boussion, Lefranc, Ruamps, Pellissier, Gardien, Anacharsis-Cloots, Doulcet.