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CHAPITRE II

LA FRANCE

I. — Le roi et les grands vassaux

De Hugues Capet à Philippe Ier, la royauté française s’est contentée de vivre. Elle est si modeste qu’au milieu de ses grands vassaux on l’aperçoit à peine. Les noms de cette époque dont la postérité a gardé le souvenir ne sont pas ceux des rois, ce sont ceux de princes féodaux comme le comte de Flandre Robert le Frison, comme le duc de Normandie Guillaume le Conquérant, ou comme les héros de la première Croisade, un Godefroid de Bouillon, un Robert de Flandre, un Robert de Normandie un Raymond de Toulouse. Au milieu de cette épopée de la Croisade où les princes se chargent de gloire, le roi, resté au logis, paraît en fâcheuse posture. Les chansons de geste, qui commencent alors à prendre de l’essor, ont pour héros des barons et donnent souvent à la royauté un rôle assez peu brillant.

Vers la fin du xie siècle, les trois quarts du royaume sont occupés par quelques grands fiefs qui sont en fait autant de principautés ne dépendant que nominalement du suzerain. Au nord entre l’Escaut et la mer, c’est le comté de Flandre ; plus bas, s’alongeant le long de la côte jusqu’à la Bretagne, le duché de Normandie, plus bas encore, de l’autre côté de la Bretagne, le comté d’Anjou, et enfin s’étendant jusqu’aux Pyrénées, le duché de Guyenne (Aquitaine). Le comté de Toulouse occupe la plaine du Languedoc ; le duché de Bourgogne s’étend dans le bassin de la Saône et confine au comté de Champagne qu’arrosent la Marne et la haute Seine. Au centre de ces territoires, enserré par eux, le domaine royal, l’île de France s’arrondissant autour de Paris et ne touchant, en aucun point, ni la mer, ni les frontières extérieures du royaume. Équivalent en étendue à la plupart des principautés des grands vassaux il le cède en richesse à plusieurs d’entre elles. Les villes du midi et de la vallée du Rhône, animées par le commerce de la Méditerranée, celles de la Flandre où aboutit la grande voie qui relie le nord à l’Italie et le long de laquelle s’échelonnent les foires de Champagne, ont sur les siennes une avance incontestable. Laon, Orléans, Senlis n’ont qu’un trafic local et, à Paris même, les mar-