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Constantinople et de Salonique, dans les montagnes de l’Albanie. Les frontières de la Hongrie, et avec elles celles de l’Église latine, étaient menacées. Les appels désespérés des Paléologues furent enfin entendus. Boniface Ier prêcha la Croisade. Sigismond de Luxembourg appela aux armes les Hongrois et les Allemands. En France, le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, autant sans doute pour rehausser le prestige de sa maison que par esprit chrétien, envoya son fils Jean (sans Peur) à la tête d’une brillante chevalerie combattre l’infidèle. Tous ces efforts vinrent échouer à Nicopolis devant la tactique inconnue et l’élan des Turcs (12 septembre 1396). L’heure suprême semblait près de sonner pour Constantinople. Elle ne fut retardée d’une cinquantaine d’années que par l’imprévu d’une nouvelle invasion mongole.

Une fois de plus, et heureusement la dernière après Attila et Genghiakhan, un barbare de génie, Tamerlan, venait de déchaîner un torrent de hordes jaunes. Ses conquêtes avaient été aussi foudroyantes que celles des épouvantables destructeurs dont il était digne de rappeler le souvenir. Il s’était étendu jusqu’à la Volga, avait soumis par la terreur la Perse, l’Arménie et enfin ce berceau de tant de civilisations successives, la Mésopotamie, qui ne s’est pas relevée depuis lors de la dévastation qu’il y porta. L’Empire turc était menacé. Bajazet venait d’entreprendre le siège de Constantinople ; il le leva pour courir à la défense de l’Asie Mineure. Les deux barbares se rencontrèrent en 1402 à Angora, et celui contre lequel n’avait pu tenir les Européens fut vaincu par les Mongols (20 juillet 1402). Mais la puissance de Tamerlan fut aussi courte qu’elle avait été soudaine. Lui mort (1405), les peuples courbés sous le joug se relevèrent au milieu des ruines amoncelées. Soliman, le fils de Bajazet (1402-1410), put réorganiser les débris de la Turquie d’Asie. C’eut été le moment pour les chrétiens de prendre l’offensive. Mais l’empereur Manuel se contenta d’un traité qui lui rendait Salonique avec quelques îles et stipulait le mariage d’une de ses nièces avec le sultan. Le tribut exigé des Grecs et des Serbes était aboli. On se plut à croire que le péril avait disparu, comme si une défaite pouvait jamais chez un peuple barbare avoir des conséquences plus longues que le temps nécessaire pour remplacer par des guerriers nouveaux les guerriers tombés sur le champ de bataille. Il n’y aurait eu qu’un moyen d’arrêter les Turcs, c’eût été de les gagner à la civilisation occidentale et l’islamisme qu’ils professaient empêchait de pouvoir même y songer. Aussi, la cata-