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Pacifique, à l’expansion du christianisme au delà de l’Équateur, à la diffusion de l’espagnol, du portugais, bientôt du français et de l’anglais en Amérique, à la transformation de tant de peuples ou métissés ou anéantis, à l’apparition de tant de productions nouvelles changeant les conditions de la vie, thé, café, tabac s’emparant de l’Europe, et à la projection sur l’Amérique du coton, de nos animaux domestiques, à ces travaux gigantesques enfin qui ouvriront des voies nouvelles à la circulation du monde, Suez, Panama. Sans doute, tout cela ne s’est pas accompli tout de suite, et surtout les immortels marins qui « ont vu sortir des flots des étoiles nouvelles » n’ont ni souhaité ni pu deviner l’avenir qu’ils ouvraient à l’Europe. Le mobile économique n’a même influé que très faiblement sur leurs desseins. L’Europe du xve siècle n’était pas surpeuplée ; elle n’avait aucun besoin de coloniser et précisément le Portugal, dont est partie l’initiation, n’éprouvait pas la moindre nécessité d’étendre son commerce. Henri le Navigateur n’a rien d’un prince mercantiliste. Ce qui le domine, c’est la curiosité scientifique et la propagation de la foi. Ce sont des aspirations purement spirituelles qui ont été le point de départ de la découverte des pays de l’or et des épices. On ne peut en rien comparer ces expéditions à celle des Phéniciens de l’Antiquité. Mais il faut reconnaître tout de suite que, sans l’état de développement qu’avait pris la navigation méditerranéenne au commencement du xve siècle, ces découvertes eussent été impossibles. Elle a fourni les bateaux et les capitaines. Comme pour les Croisades, d’ailleurs, il y avait des excitatoria, c’étaient les vieux récits sur l’Inde, les souvenirs de voyages de du Plan Carpin et de Marco-Polo, et tout ce qui se racontait dans les ports du Levant.

Ce n’est pas ici le lieu de retracer cette admirable histoire. Il suffit d’en rappeler les dates principales, la découverte des îles Madère en 1419, des Açores en 1431, puis, peu avant la mort de Henri le Navigateur (1460) qui put l’apprendre encore, celle des iles du Cap Vert et de la Côte de Sénégambie. Dès lors, les progrès s’accélèrent après les tâtonnements du début. En 1482, Diego Cam s’avance jusqu’à l’embouchure du Congo ; en 1486, Bartholomeo Diaz aboutit au Cap de Bonne Espérance et voit s’ouvrir devant lui l’Océan Indien. En 1497, Vasco de Gama s’y lançait et atteignait en 1498 Calicut. Le Cap avait justifié le nom que lui avait donné le roi Jean II. On abordait enfin à ces Indes merveilleuses ; les caravelles occidentales, après une si longue navigation sur des mers