Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/198

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grand matin que de coutume. Nous avions appris la veille, [59e] en sortant le soir de la prison, que le vaisseau était revenu de Délos. Nous nous recommandâmes donc les uns aux autres de venir le lendemain au lieu accoutumé, le plus matin qu’il se pourrait, et nous n’y manquâmes pas. Le geôlier, qui nous introduisait ordinairement, vint au-devant de nous, et nous dit d’attendre, et de ne pas entrer avant qu’il nous appelât lui-même ; car les Onze, dit-il, font en ce moment ôter les fers à Socrate, et donnent des ordres pour qu’il meure aujourd’hui. Quelques momens après, il revint et nous ouvrit. En entrant, [60a] nous trouvâmes Socrate qu’on venait de délivrer de ses fers, et Xantippe, tu la connais, auprès de lui, et tenant un de ses enfans entre ses bras. À peine nous eut-elle aperçus, qu’elle commença à se répandre en lamentations et à dire tout ce que les femmes ont coutume de dire en pareilles circonstances. Socrate, s’écria-t-elle, c’est donc aujourd’hui le dernier jour où tes amis te parleront, et où tu leur parleras ! Mais lui, tournant les yeux du côté de Criton : Qu’on la reconduise chez elle, dit-il : aussitôt quelques esclaves de Criton l’emmenèrent poussant des cris [60b] et se meurtrissant le visage. Alors Socrate, se mettant sur son séant, plia la jambe qu’on venait de