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PROTAGORAS

j’estime ma précaution meilleure que la leur, ma franchise plus sûre que leur dissimulation. Je prends d’autres précautions, d’ailleurs, si bien (les dieux me pardonnent !) que je n’ai jamais souffert aucun inconvénient de ma profession de sophiste. Voici pourtant bien des années que j’exerce ; car le total de mes ans est considérable, et il n’est pas un de vous dont mon âge ne me permit d’être le père[1]. Pour toutes ces raisons, je préfère de beaucoup, si vous y consentez, m’expliquer sur ces problèmes en présence de tous les hôtes de cette demeure. »

À ces mots, soupçonnant qu’il avait le désir de parader devant Hippias et Prodicos et de leur faire admirer la chaleur du sentiment qui nous avait amenés auprès de lui, je lui répondis : « Pourquoi n’inviterions-nous pas Prodicos et Hippias, ainsi que leurs amis, à écouter notre entretien ? » — « Rien de mieux, » dit Protagoras. — Alors Callias : « Voulez-vous que nous tenions séance, afin que vous puissiez parler assis ? » La proposition fut acceptée, et tous aussitôt, ravis d’entendre des hommes si habiles, nous prîmes à notre tour des bancs et des lits à côté d’Hippias, car ces sièges se trouvaient déjà là. Au même instant, Callias et Alcibiade arrivèrent avec Prodicos, qu’ils avaient fait lever de son lit, et avec les amis de Prodicos.


Quel est l’objet de l’enseignement de Protagoras ?

Quand tout le monde fut assis, Protagoras m’adressa la parole : « C’est le moment, Socrate, puisque nous sommes tous réunis, de répéter ce que tu me disais tout à l’heure au sujet de ce jeune homme. » — Je répondis : « Je commence donc, Protagoras, comme je l’ai fait précédemment, par indiquer l’objet de notre visite. Hippocrate, ici présent, a un grand désir de te fréquenter : quel profit doit-il retirer de ta fréquentation ? Voilà ce qu’il serait heureux de t’entendre dire. À cela se bornera mon discours. » — Protagoras alors : « Jeune homme, si tu me fréquentes, voici ce qui te sera donné : après un jour passé auprès de moi, tu

    lutte. — Hérodicos, né à Mégare, établi à Sélymbrie, pédotribe et médecin (Rép. III, 406 a). — Sur Pythoclide cf. Alcib. I 118 c ; sur Agathocle et sur tout ce morceau cf. t. II, pp. 92-93, n.

  1. Apollodore (dans Diog. L. IX 56) plaçait l’acmé de Protagoras