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PROTAGORAS

« Pour moi, Protagoras, devant ce bouleversement extraordinaire de toutes nos idées, j’ai le plus ardent désir d’y voir clair, et il me serait très agréable, après que nous avons ainsi débattu toutes ces questions, d’en venir enfin à la nature de la vertu et d’examiner de nouveau si elle peut s’enseigner, oui ou non ; car j’ai peur qu’à notre insu ton Épiméthée ne nous ait souvent égarés dans notre recherche, comme il nous avait négligés, selon toi, dans la distribution des qualités. Je préfère, pour mon compte, le Prométhée de ton mythe à Épiméthée ; je prends exemple sur lui, et c’est en m’inspirant de sa prévoyance pour toute la conduite de ma vie, que je m’attache à ces recherches. Si tu y consentais, je serais particulièrement heureux, comme je te le disais en commençant, de le poursuivre avec toi.

Protagoras me répondit : « J’admire ton zèle, Socrate, et ta manière de conduire ces discours. Car, entre d’autres mérites que je puis avoir, j’ai celui d’être le moins envieux des hommes, et j’ai dit bien souvent à ton sujet que tu es, parmi tous ceux que je rencontre, celui que je prise le plus, t’accordant même, par comparaison avec ceux de ton âge, une admiration sans réserve : je répète volontiers que je ne serais pas surpris si tu prenais rang parmi les plus illustres entre les habiles. Quant à notre discussion, nous la reprendrons un autre jour : d’autres occupations m’appellent ailleurs pour le moment. » — « Eh bien, repris-je, qu’il soit fait comme tu le désires. Car, pour moi, j’ai laissé passer depuis longtemps l’heure d’aller où j’avais dit ; mais l’envie de complaire au beau Callias m’a retenu. »

Après cet échange de propos, nous nous séparâmes.