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EUTHYDÈME

exprimée. Ainsi, dans ce sophisme qu’il est impossible de dire faux (284 a) et dans celui qui y fait suite sur ποιεῖν (284 bc). On peut y joindre celui qui a trait à l’impossibilité de contredire, ἀντιλέγειν (285 e et suiv.).

Mentionnons, pour finir, le rapprochement établi arbitrairement entre deux attributs d’un même objet pour en tirer un troisième (298 e) : ce chien est à toi (σοι) ; or il est père ; il est donc ton père[1].


Platon a pris soin d’indiquer lui-même, çà et là, le genre de supercherie que recouvrent certains de ces sophismes. Socrate explique à Clinias que les éristiques jouent sur le double sens de μανθάνειν (278 a). Il dénonce l’extension abusive donnée par Euthydème au sens de ἐπιστήμων (293 c) ; il tente de conserver leur valeur limitée aux mots ἀεί et πάντα (296 ab), plus loin, à πατήρ (289 a). Il fait comprendre la méthode des sophistes, en la leur empruntant pour la retourner contre eux : quand le mot ἕτερος, entendu par Dionysodore au sens de différent de soi-même, est repris par lui au sens de différent d’autre chose, il ne manque pas d’avertir qu’il essaie d’imiter l’habileté de l’adversaire (301 b). De même Ctésippe découvre le sophisme fondé sur le sens de τὰ ὄντα (284 a et 284 c). Il montre à Dionysodore, par son propre exemple, qu’il est possible de contredire (285 e). Il se charge, comme Socrate, de ruiner l’argumentation de l’adversaire, soit en passant de l’idée générale à ses applications positives, soit en poussant le raisonnement à l’absurde, comme lorsqu’il contraint les sophistes à soutenir cette énormité que leur père est le père de toute la création (298 c). Ailleurs, leurs procédés sont repris par lui et tournés en caricature (299 e). Socrate et lui dégagent de l’argumentation des sophistes des contradictions qui la détruisent : tel le dilemme où Socrate enferme Dionysodore (287 e). Ctésippe lui-même réussit à tirer de Dionysodore deux propositions contradictoires (300 cd).


Jugement porté sur l’éristique.

Les défauts et le vide de l’éristique sont marqués par Socrate avec une précision et une force qui ne laissent rien à désirer. Après le premier entretien des sophistes avec Clinias,

  1. Aristote, o. l., XXIV, 2 et 4.