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LIVRE II.


ture, les alternatives des saisons, et l’année toujours renaissante ; c’est lui qui dissipe la tristesse du ciel, et qui même écarte les nuages jetés sur l’esprit humain ; c’est lui qui prête sa lumière aux autres corps célestes. Admirable, sans rival, il voit tout, il entend même tout ; double attribut que je trouve accordé à lui seul par Homère, le prince des lettres (Ib. III, 277).

V.

1(VII.) Aussi c’est, je pense, le fait de la faiblesse humaine, que de chercher l’image et la forme de Dieu. Quel que soit Dieu, si tant est que ce n’est pas le soleil, et en quelque région qu’il réside, il est tout sensation, tout œil, tout oreille, tout âme, tout vie, tout lui-même. Croire qu’il y en a un nombre infini, et quelques-uns même imaginés d’après les vertus et les vices des hommes, tels que la Pudicité, la Concorde, l’Intelligence, l’Espérance, l’Honneur, la Clémence, la Foi, ou croire avec Démocrite qu’il n’y en a que deux, la Peine et le Bienfait, c’est passer les bornes de la stupidité. 2L’humanité débile et souffrante, se souvenant de sa faiblesse, a établi ces divisions, et voulu que chacun pût adorer celle dont il avait le plus besoin. Aussi voyons-nous les noms des dieux changer avec les nations, et chacune avoir des divinités innombrables. Les divinités infernales elles-mêmes sont divisées en classes, ainsi que les maladies et beaucoup de fléaux qui épouvantent, et qu’on voudrait par là détourner. Ainsi l’État a consacré un temple à la Fièvre sur le mont Palatin, un autre à la déesse Orbona (2) auprès de celui des dieux Lares, et un autel à la Mauvaise Fortune dans les Esquilies. 3On peut croire que la population des êtres divins est plus considérable que celle des hommes, car d’une part chaque individu se fait pour lui un dieu, adoptant un Génie, une Junon qui n’est qu’à lui ; d’autre part les nations ont pour divinités certains animaux, même des animaux immondes, et bien d’autres choses plus honteuses à rapporter ; et l’on y jure (3) par l’oignon fétide (XIX, 32), l’ail, et objets semblables. Quant à croire qu’il y a des mariages entre les dieux, sans qu’il en naisse personne depuis un si long espace de temps ; quant à s’imaginer que les uns sont âgés et toujours en cheveux blancs, les autres jeunes, enfants, noirs, ailés, boiteux, issus d’un œuf, vivant et mourant alternativement, ce sont là des rêveries presque puériles. 4Mais ce qui passe toute impudence, c’est de supposer des adultères entre eux, puis des querelles et des haines, et même de se figurer des divinités protectrices du larcin et du crime. L’homme devient dieu pour l’homme en le secourant ; ce chemin est celui de la gloire éternelle. C’est dans cette voie qu’ont marché les héros de Rome ; c’est dans cette voie que d’un pas divin marche maintenant avec ses fils le plus grand souverain de tous les âges, Vespasien, dont les mains soutiennent l’empire affaissé. 5La plus ancienne coutume de rendre grâce à des bienfaiteurs, c’est de les mettre au rang des dieux. En effet, les noms de toutes les divinités et ceux des astres, que j’ai rapportés plus haut, sont ceux de personnages bienfaisants pour l’humanité. Ira-t-on dire qu’il y a un Jupiter ou un Mercure, des dieux désignés par des noms à eux, et une liste de personnages célestes ? qui ne voit que l’explication de la nature rend digne de risée une pareille imagination (4) ? 6Quant à la cause suprême, quelle qu’elle soit, lui attribuera-t-on le soin des choses humaines ? ou supposera-t-on qu’elle ne se souille pas par un ministère aussi triste et aussi minutieux ? Lequel croire ou lequel rejeter ? On ne sait vraiment ce qui vaut le mieux pour le