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PLINE.


que privés. Laissons donc ces phénomènes tels que la nature a voulu qu’ils fussent, tantôt certains, tantôt douteux, approuvés par les uns, condamnés par les autres ; mais n’omettons rien de ce qu’ils offrent de mémorable.

LV.

1(LIV.) Il est certain que, bien que l’éclair et le tonnerre soient simultanés, l’éclair se voit avant que le tonnerre ne s’entende. Cela n’est pas surprenant ; car la lumière est plus rapide que le son. Le choc au départ et le bruit coïncident par une nécessité naturelle ; et le bruit appartient à ce choc de départ, et non au choc de l’arrivée. Le souffle de la foudre, plus rapide que la foudre même, agite et ébranle tout avant qu’elle ne frappe. On n’est jamais atteint si on a vu l’éclair ou entendu le tonnerre. 2À gauche la foudre est regardée comme de bon augure, parce que l’orient est à la gauche du monde. Ce n’est pas tant l’arrivée de la foudre que le retour qu’on observe, à savoir si le feu rebondit par le choc, ou si, l’œuvre étant achevée ou le feu consumé, le souffle remonte. Pour ces observations, les Étrusques ont divisé le ciel en seize parties : quatre aspects principaux, le premier du septentrion au lever équinoxial, le second jusqu’au midi, le troisième jusqu’au coucher équinoxial, le quatrième dans l’intervalle compris entre le coucher et le septentrion, ont été subdivisés chacun en quatre autres aspects : huit à partir du lever sont appelés gauches, et huit en sens contraire sont appelés droits. 3Les plus funestes des foudres sont celles qui, partant du coucher, atteignent le nord. Ainsi, il importe beaucoup de savoir d’où sont venues les foudres et où elles sont allées : ce qu’il y a de mieux, c’est qu’elles retournent vers les parties orientales. Quand elles sont venues du premier aspect du ciel et qu’elles y sont retournées, c’est le présage d’un bonheur extraordinaire, présage qu’on rapporte avoir été donné au dictateur Sylla. Les autres foudres sont moins prospères ou moins funestes, suivant la portion du monde. On pense qu’il y a certaines foudres dont il n’est permis ni de donner ni d’écouter l’interprétation, à moins qu’elles ne s’adressent à un hôte, au père, ou à la mère. On a reconnu à Rome, quand le temple de Junon fut frappé par la foudre, sous le consulat de Scaurus, qui bientôt après fut prince du sénat (XXXVI, 24), combien ces observations sont vaines.

4 C’est plutôt pendant la nuit que pendant le jour qu’il y a des éclairs sans tonnerre. L’homme est le seul animal que la foudre, par un privilège que la nature lui accorde, ne tue pas toujours ; elle tue les autres soudainement, bien que beaucoup l’emportent sur lui par la force. Tous les animaux tombent sur le côté opposé au coup ; l’homme au contraire ne meurt que s’il tombe sur le côté atteint (XXVIII, 12); frappé sur la tête, il s’affaisse sur lui-même ; frappé dans l’état de veille, il est trouvé les yeux fermés ; frappé dans le sommeil, il est trouvé les yeux ouverts. La religion ne permet pas de brûler le corps d’un homme ainsi tué ; elle veut qu’on l’enterre. Le corps d’aucun animal ne s’enflamme par la foudre, s’il n’est à l’état de cadavre. Les plaies des personnes foudroyées sont plus froides que le reste du corps.

LVI.

1(LV.) Parmi les productions de la terre, la foudre ne frappe pas le laurier (XV, 40). Elle ne s’enfonce jamais de plus de cinq pieds dans la terre. En conséquence, les personnes timides pensent que les endroits les plus sûrs sont les cavernes profondes. On se réfugie encore sous des tentes de peaux de veau-marin, le seul, parmi les