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Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T1 - 1848.djvu/161

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LIVRE II.


auxquels ils attribuent la foudre ; ces phénomènes arrivent quand ces astres sont avec le soleil ou dans un des principaux aspects, particulièrement en quadrature. Le physicien Anaximandre de Milet eut, si nous ajoutons foi au bruit qui en court, une inspiration admirable et digne d’une mémoire éternelle, lorsqu’il annonça aux Lacédémoniens qu’ils eussent à prendre garde à leur ville et à leurs maisons ; qu’un tremblement de terre était imminent. Et, en effet, la ville entière fut renversée, et une partie considérable du mont Taygète, qui, coupé en forme de poupe, dominait Sparte, s’écroula, et augmenta le désastre. 2On attribue à Phérécyde, maître de Pythagore, une autre prévision également divine. De l’eau ayant été tirée d’un puits, il pressentit et prédit qu’en ce lieu un tremblement de terre allait se faire sentir. Si ces récits sont vrais, quelle différence trouvera-t-on entre la Divinité et ces hommes, à l’immortalité près ? Au reste, j’abandonne ces récits à l’opinion de chacun. Quant à la cause, je ne doute pas qu’elle ne réside dans les vents. 3En effet, la terre ne tremble jamais que lorsque la mer est assoupie, et le ciel tellement tranquille que le vol des oiseaux ne se soutient pas par défaut d’un souffle qui les porte ; elle ne tremble non pas qu’après qu’il a régné des vents dont le souffle a pénétré dans les veines et dans les cavités secrètes du globe terrestre. Le tremblement est pour la terre ce qu’est le tonnerre pour le nuage ; les abîmes qui s’ouvrent sont l’analogue de la nue qui se fend : le souffle renfermé lutte, et fait effort pour se délivrer.

LXXXII.

1(LXXX.) La terre éprouve donc des secousses variées, et des changements singuliers s’opèrent : ici les murailles sont renversées, là elles s’abîment dans des gouffres profonds ; tantôt des masses se soulèvent, tantôt des rivières nouvelles surgissent ; parfois apparaissent des feux ou des sources chaudes, ailleurs le cours des fleuves est détourné (XXXI, 30). Le tremblement est précédé et accompagné d’un bruit terrible, semblable tantôt à un murmure, tantôt à des mugissements ou a des clameurs humaines, ou au fracas d’armes qui s’entre-choquent ; cela dépend des qualités de la matière excipiente, et de la forme des cavernes ou des souterrains par où le son chemine : étranglé dans les espaces étroits, rauque dans les anfractuosités, faisant écho contre les corps durs, bouillonnant dans les lieux humides, fluctuant dans les eaux dormantes, frémissant contre les matières solides. Souvent aussi un bruit se fait entendre sans tremblement. Les secousses ne sont pas simples, mais c’est un mouvement d’oscillation et de vibration. 2Les gouffres qui s’ouvrent tantôt restent béants et montrent ce qu’ils ont englouti, tantôt se referment ; et le sol se rejoint si exactement, qu’il ne reste pas trace des villes dévorées et des campagnes englouties. Les plages maritimes sont particulièrement sujettes à ce fléau, qui n’épargne pas cependant les contrées montagneuses. Je sais par ma propre expérience que les Alpes et l’Apennin ont plus d’une fois tremblé. Les tremblements, comme les foudres, sont plus fréquents en automne et au printemps. 3Aussi les Gaules et l’Égypte n’en éprouvent-elles pas, ici à cause de l’été, là à cause de l’hiver. Ils sont aussi plus fréquents la nuit que le jour. Les plus violents tremblements se font le matin et le soir ; ils sont communs à l’approche du jour ; on en ressent aussi dans la journée, vers midi. Ils se produisent pendant les