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LIVRE HUITIÈME.


DE LA NATURE ET DE L’ORIGINE DES MAUX[1].


I. Quand on cherche quelle est l’origine des maux que peuvent éprouver soit tous les êtres en général, soit une classe d’êtres en particulier, il est raisonnable de commencer par dire ce qu’est le Mal, par déterminer sa nature : c’est le moyen de connaître d’où il vient, où il réside, à qui il peut arriver, de constater en général s’il est quelque chose de réel. Mais quelle est celle de nos facultés qui peut nous faire connaître la nature du Mal ? Cette question n’est pas facile à résoudre, parce qu’il doit y avoir analogie entre le sujet qui connaît et l’objet qui est connu[2]. L’intelligence et l’âme peuvent connaître les formes [essences] et aspirer à elles dans leurs désirs, parce qu’elles sont des formes elles-mêmes. Mais on ne saurait se représenter comme une forme le Mal, qui consiste dans l’absence de tout bien[3]. Cependant, comme il ne peut y avoir pour les contraires qu’une seule et même science, et que le Mal est le contraire du Bien, il en résulte que quand on connaît le Bien, on connaît également le Mal, et que, pour déterminer la nature du Mal, il faut d’abord déterminer celle du Bien :

  1. Pour les Remarques générales, Voy. à la fin du volume, la Note sur ce livre.
  2. Le principe que Plotin pose ici était admis comme un axiome par la philosophie antique, ainsi que le prouvent ces vers d’Empédocle souvent cités : Γαίῃ μέν γὰρ γαῖαν ὀπώπαμεν ὕδατι δ’ὕδωρ, ϰ. τ. λ., vers 318 à 320.
  3. Voy. liv. vi, § 2, p. 102.