Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/369

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nous sentons portés à imiter ceux qui les ont donnés. Ce qu’on aime, dans les biens de la fortune, c’est la possession, c’est la jouissance ; mais, dans la vertu, c’est l’exercice de la vertu même. Nous consentons, il est vrai, à recevoir les biens de la fortune des mains des autres ; mais les biens de la vertu, nous aimons mieux que les autres les tiennent de nous. Le vrai beau nous attire avec une force irrésistible ; il met tout d’abord en nous une énergie qui veut s’épancher ; et ce n’est pas là un pur instinct d’imitation : c’est l’adhésion de l’intelligence à l’entraînement qu’exerce sur nous la contemplation des actions vertueuses. Et voilà ce qui m’a engagé à continuer d’écrire ces Vies, et à composer ce dixième livre[1], qui contient la Vie de Périclès et la Vie de Fabius Maximus, celui qui soutint la guerre contre Annibal : deux hommes qui eurent mêmes vertus, et surtout même douceur, même justice, même patience à supporter les folies du peuple et de leurs collègues, et qui, tous les deux, ont également rendu à leur patrie les plus grands services. Avons-nous raison de les rapprocher ainsi ? c’est ce que fera voir le récit même.

Périclès était de la tribu Acamantide, du dème de Cholarge ; et il descendait, par son père et par sa mère, des maisons les plus distinguées et des plus anciennes races. Xanthippe, celui qui vainquit à Mycale les généraux du roi de Perse[2], avait épousé Agariste, issue de ce Clisthène qui chassa les Pisistratides, et qui, après avoir courageusement détruit la tyrannie, institua des lois, et rendit à Athènes la concorde et la sécurité, par de sages réformes dans le gouvernement. Agariste songea qu’elle avait accouché d’un lion ; et, quelques jours après, elle

  1. Chacun des livres contenait un Parallèle, c’est-à-dire deux Vies suivies d’une comparaison. Il manque plusieurs de ces livres ; et on a déjà pu remarquer qu’ils ne se suivent pas exactement dans l’ordre où Plutarque les a composés.
  2. En l’an 479 avant J.-C.