Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/380

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regretter Cimon. Périclès, s’apercevant des dispositions de la multitude, ne fît pas difficulté d’y satisfaire : il s’empressa même de rédiger le décret de rappel, et de le faire adopter. Cimon, à peine de retour, profita des sentiments que lui portaient les Lacédémoniens, qui avaient autant de bienveillance pour lui, que de haine pour Périclès et les autres démagogues ; et il fit conclure la paix entre les deux républiques. Plusieurs écrivains prétendent que Périclès ne rédigea le décret de rappel qu’après avoir arrêté avec Cimon, par l’entremise d’Elpinice, sœur de ce dernier, certaines conventions secrètes, suivant lesquelles Cimon s’en irait, à la tête de deux cents vaisseaux, faire la guerre aux ennemis du dehors, et ravager les provinces du roi de Perse, tandis que Périclès demeurerait à Athènes, et y exercerait toute l’autorité. Il paraît qu’une fois déjà, au temps où Cimon se trouvait sous le coup d’une accusation capitale, Elpinice avait su fléchir Périclès, un des accusateurs nommés par le peuple. Elle était venue le trouver, et elle implorait sa pitié. « Elpinice, lui avait-il répondu, tu es bien vieille, pour terminer une affaire de cette importance. » Cependant il ne prit la parole qu’une fois ; il parla des faits reprochés à l’accusé, comme un homme obligé de le faire, et puis il se retira : de tous les accusateurs de Cimon, c’est lui qui le chargea le moins. Et comment croire, après cela, aux allégations d’Idoménée[1] contre Périclès ? Périclès faire assassiner, par jalousie, et dans l’intérêt de sa réputation, Éphialte son ami, l’associé de ses entreprises politiques ! Je ne sais, en effet, d’où cet Idoménée a pu amasser ces griefs, cette bile de surcroit qu’il vomit contre un homme non point sans doute irrépréhensible en tout, mais chez qui on reconnaît une noblesse de sentiments, une passion

  1. Idoménée était de Lampsaque, et il avait écrit un ouvrage sur les disciples de Socrate, et un autre sur l’histoire de Samothrace. Il vivait dans le quatrième siècle avant J.-C.