Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/388

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Tant l’histoire a, ce semble, de peine à saisir la vérité ! Ceux qui veulent écrire sur une époque antérieure en trouvent la connaissance enveloppée sous les voiles du temps ; et les écrivains contemporains, tantôt par prévention et par haine, tantôt par faveur et par flatterie, déguisent et altèrent la vérité.

Comme les orateurs du parti de Thucydide déclamaient contre Périclès, et qu’ils l’accusaient de dilapider le trésor, et de dissiper follement les revenus de l’État, Périclès demanda au peuple assemblé s’il leur semblait qu’il eût trop dépensé ; et le peuple répondit : « Beaucoup trop ! — Hé bien ! repartit Périclès, je supporterai seul la dépense ; mais aussi j’inscrirai mon nom seul sur les monuments. » À peine eut-il dit cette parole, que, soit qu’ils fussent frappés de sa grandeur d’âme, soit qu’ils ne voulussent pas lui laisser pour lui seul, dans la postérité, la gloire de ces travaux, tous s’écrièrent qu’il pouvait puiser à son gré dans le trésor, dépenser comme il l’entendrait, et sans compter. Quant à la lutte entre Périclès et Thucydide, elle en vint à un tel point d’exaspération, que, pour se délivrer de son adversaire, Périclès se détermina à courir les risques de l’ostracisme. Thucydide succomba ; et Périclès dissipa la ligue formée contre lui.

Il semblait qu’il n’y eût plus d’inimitiés politiques, et qu’il n’y eût désormais, dans Athènes, qu’un même sentiment, une même âme. On pourrait dire qu’alors Athènes, c’était Périclès. Gouvernement, finances, armées, trirèmes, empire des îles et de la mer, puissance absolue sur les Grecs, puissance absolue sur les nations barbares, sur tous les peuples soumis et muets, fortifiée par les amitiés, les alliances des rois puissants, il attira tout à lui, il tenait tout dans ses mains. Mais il ne demeura plus le même. Ce n’était plus ce démagogue voguant à tous les vents populaires, si dévoué, si facile à céder à tous appétits de la multitude ; ce ne fut plus