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…...Révélation par l’expérience, qui a constitué successivement toutes les sciences ;
…...Enfin nous touchons à la révélation par l’idée d’ordre, laquelle, en donnant la formule absolue du vrai, abolit la religion et la philosophie.

72. Or il est évident que la première catégorie de révélations, celle développée par M. Edgar Quinet, a un caractère tout objectif, qu’elle vient à l’homme de l’extérieur ; que la dernière, au contraire, celle qui commence à la Révélation par l’idée de causalité, est entièrement subjective, ou donnée par la spontanéité de la raison ; et qu’entre ces deux catégories extrêmes, le christianisme apparaît comme la transition, le lien qui les unit.

Il est évident encore que toutes ces révélations progressent du symbolisme concret au rationalisme libre, du mystère à la raison pure, de l’autorité à la liberté, de la foi à la science.

Donc, dire aujourd’hui, avec les saints-simoniens et les éclectiques, que nous marchons à une nouvelle période religieuse, que le christianisme va ressusciter sous une forme nouvelle, et que la religion sortira de la science, c’est confondre des faits essentiellement distincts, brouiller les idées et les dates[1].

  1. « La religion de l’avenir sera toute scientifique, dit M. Damiron ; ce sera la découverte rationnelle de l’inconnu par le connu, de l’invisible par le visible. Elle ne se prêchera plus ; elle s’enseignera, se démontrera, au lieu de s’imposer. Ce n’est plus que de cette manière que se forment aujourd’hui, en quoi que ce soit, les idées et les croyances ; et il n’y aura pas d’exception pour les idées et les croyances religieuses. De même donc qu’au temps de la première, de la seconde et de la troisième révélation, c’eût été un contre-sens et une étrange anomalie que la théologie eût été plus philosophique que les autres sciences ; de même aujourd’hui ce serait une inconséquence et une contradiction qu’elle restât étrangère à leurs procédés et à leurs progrès. On sera donc théologien, comme on sera physicien et philosophe ; ou plutôt le théologien se formera du physicien et du philosophe… C’est alors que viendront les conclusions que la science universelle doit mettre à même de tirer relativement à l’être duquel émane toute action, toute vie, tout mouvement… ; et toute une religion sortira du sein de cette vaste philosophie. »
    …...Ainsi, selon M. Damiron, il y aura une quatrième révélation, comme il y en a eu une première, une deuxième et une troisième : or, comme la quatrième révélation sera toute scientifique, et cependant tout humaine, tandis que les trois premières révélations n’eurent rien de scientifique, c’est-à-dire de vrai, quoique divines, il s’ensuit que la révélation de la raison est au-dessus des révélations prophétiques et miraculeuses ; qu’elle les abolit toutes, les déclarant insuffisantes et même fausses.
    …...De plus, comme rien ne sera cru qui ne soit démontré, il y aura une vertu théologale de moins, la foi, partant plus de religion, selon l’Apôtre. Et puisqu’à l’égard de l’avenir, le grand inconnu étant dégagé, comme dit M. Damiron, la science aura conquis la certitude, il n’y aura plus lieu de pratiquer la seconde vertu théologale, l’espérance, partant plus de religion. Et comme les rapports des hommes entre eux seront fixés par une science, la charité, aujourd’hui troisième vertu théologale, ne sera plus vertu, mais plaisir ; en sorte qu’au lieu de religion, nous aurons les joies de la fraternité, en un mot, la béatitude, objet de toute religion. Les théologiens acceptent-ils la religion de M. Damiron ?