Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/165

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time ? Qu’est-ce qu’une affirmation dont toute la valeur vient de sa spontanéité même ?…

De longs débats s’entamèrent à ce propos. Le sens commun y mit fin par cet arrêt célèbre : Attendu que le doute qui porte sur le doute même est absurde ; que l’investigation qui a pour objet la légitimité de l’investigation est contradictoire ; qu’un tel scepticisme est antisceptique, et se réfute seul ; que c’est un fait que nous pensons et que nous désirons de connaître ; qu’il ne saurait y avoir lieu à disputer sur ce fait qui embrasse l’univers et l’éternel ; conséquemment que la seule chose qui reste à faire est de savoir où la pensée peut conduire : Pyrron et sa secte seront reconnus par la philosophie d’une absurdité qui tranquillise le moi sur son existence ; pour le surplus, leur opinion étant convaincue, par ses propres termes, de contradiction au sens commun, elle est excommuniée du sens commun.

Malgré l’énergie de ces considérants, quelques-uns crurent devoir protester encore, et se pourvoir en révision. Les vrais sceptiques, prétendirent-ils, ne sont pas ceux qui doutent de la réalité de leur doute, un pareil scepticisme est ridicule ; ce sont ceux qui doutent de la réalité du contenu du doute, et à plus forte raison des moyens de vérifier si ce contenu est réel : ce qui est fort différent…

C’est donc comme si vous disiez, répliqua le sens commun, par exemple, que vous ne doutez pas de l’existence des religions, puisque la religion est un phénomène de la pensée, un accident du moi, mais seulement de la réalité de l’objet des religions, et à plus forte raison de la possibilité de déterminer cet objet ; — ou bien encore que vous ne doutez pas de l’oscillation de la valeur, puisque cette oscillation est un phénomène de la pensée générale, un accident du moi collectif, mais de la réalité même des valeurs, à plus forte raison de leur mesure. Mais si, par rapport à l’homme, la réalité des choses ne se distingue pas de la loi des choses, comme par exemple la réalité des valeurs qui n’est et ne peut être que la loi des valeurs ; et si la loi des choses n’est rien sans le moi qui la détermine et la crée, comme vous êtes forcés d’en convenir : votre distinction de la réalité du doute et de la réalité du contenu du doute, aussi bien que l’à fortiori qui vient à la suite, est absurde. L’univers et le moi deviennent, par la pensée, identiques et adéquats : donc, encore une fois, notre tâche est de rechercher si, par rapport à lui-même, le moi peut s’induire en erreur ; si dans l’exer-