Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/174

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ciliés ?… La nature et l’humanité sont le développement de l’absolu ; pourquoi l’absolu se développe-t-il ? En vertu de quel principe et selon quelle loi ? Où est la science de ce développement ? Votre ontologie, votre logique, quelle est-elle ? Et puis, si les mêmes lois régissent la matière et la pensée, il suffit d’étudier l’une pour connaître l’autre : la science, quoi que vous disiez, est possible, d’après vous-même, à priori : pourquoi donc niez-vous la science et ne nous donnez-vous que l’expérience, qui par elle-même n’explique rien, parce qu’elle n’est pas science ?

Eh bien ! ajouta-t-il, je me charge, sans recourir à l’absolu, et m’en tenant à l’identité de la pensée et de l’être, de construire cette science du développement qui vous échappe, et que vous n’avez pu trouver, parce que vous distinguez ce qui ne peut être admis comme distinct, l’esprit et la matière, c’est-à-dire la double face de l’idée.

Et l’on vit ce Titan de la philosophie entreprendre de renverser l’éternel dualisme par le dualisme même ; établir l’identité sur la contradiction ; tirer l’être du néant, et, à l’aide de sa seule logique, expliquer, prophétiser, que dis-je ? créer la nature et l’homme. Nul autre, avant lui, n’avait pénétré si profondément les lois intimes de l’être ; nul n’avait éclairé d’une si vive lumière les mystères de la raison. Il réussit à donner une formule qui, si elle n’est pas toute la science, ni même toute la logique, est du moins la clef de la science et de la logique. Mais on s’aperçut bien vite que cette logique même son auteur n’avait pu la construire qu’en côtoyant perpétuellement l’expérience et lui empruntant ses matériaux ; que toutes ses formules suivaient l’observation, mais ne la précédaient jamais. Et comme, après le système de l’identité de la pensée et de l’être, il n’y avait plus rien à attendre de la philosophie, que le cercle était fermé, il fut démontré pour toujours que la science sans l’expérience est impossible ; que si le moi et le non-moi sont corrélatifs, nécessaires l’un à l’autre, inconcevables l’un sans l’autre, ils ne sont pas identiques ; que leur identité, aussi bien que leur réduction dans un absolu insaisissable, n’est qu’une vue de notre intelligence, un postulé de la raison, utile en certains cas pour le raisonnement, mais sans la moindre réalité ; enfin que la théorie des contraires, d’une puissance incomparable pour contrôler nos opinions, découvrir nos erreurs et déterminer le caractère essentiel du vrai, n’est pourtant pas l’unique forme de la nature, la seule ré-