Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/175

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vélation de l’expérience, et par conséquent la seule loi de l’esprit.

Partis du cogito de Descartes, nous voici donc revenus, par une série non interrompue de systèmes, au cogito de Hégel. La révolution philosophique est accomplie ; un mouvement nouveau va commencer : c’est au sens commun à prendre ses conclusions et à rendre son verdict.

Or, que dit le sens commun ?

Relativement à la connaissance : Puisque l’être ne se révèle à lui-même qu’en deux moments indissolublement liés que nous appelons, le premier, conscience du moi, le second, révélation du non-moi ; que chaque pas ultérieurement accompli dans la connaissance implique toujours ces deux moments réunis ; que ce dualisme est perpétuel et irréductible ; que hors de lui, il n’existe plus ni sujet ni objet ; que la réalité de l’un tient essentiellement à la présence de l’autre ; qu’il est aussi absurde de les isoler que d’entreprendre de les réduire, puisque, dans les deux cas, c’est nier la vérité tout entière et supprimer la science : nous conclurons d’abord que le caractère de la science est invinciblement celui-ci : Accord de la raison et de l’expérience.

Relativement à la certitude : Puisque, malgré la dualité d’origine de la connaissance, la certitude de l’objet est au fond la même que la certitude du sujet ; que celle-ci a été mise hors de doute contre les pyrrhoniens antisceptiques ; qu’à cet égard il y a force de chose jugée ; que l’expérience est autant une détermination du moi qu’une appréciation du non-moi : il suffit pour la satisfaction de la raison. Que pouvons-nous souhaiter de plus que d’être assurés de l’existence des corps comme nous le sommes de la nôtre ? Et que sert de rechercher si le sujet et l’objet sont identiques ou seulement adéquats ; si, dans la science, c’est nous qui prêtons nos idées à la nature, ou si c’est la nature qui nous donne les siennes ; alors que, par cette distinction, l’on suppose toujours que le moi et le non-moi peuvent exister isolément, ce qui n’est pas ; ou qu’ils sont résolubles, ce qui implique contradiction ?

Enfin, relativement à Dieu : Puisque c’est une loi de notre âme et de la nature, ou, pour renfermer ces deux idées en une seule, de la création, qu’elle soit ordonnée selon une progression qui va de l’existence à la conscience, de la spontanéité à la réflexion, de l’instinct à l’analyse, de l’infaillibilité à l’erreur, du genre à l’espèce, de l’éternité au temps,