Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/260

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anguleuses de la métaphysique ; et cette lourde et scolastique allure, qui rappelle certain personnage de Molière, me paraît autant qu’à vous ridicule. Mais quoi ! tandis que votre intelligence prime-sautière saisit au vol les idées les plus rapides, je suis, pour mon malheur, du plus tardif entendement. L’intuition et la spontanéité me manquent ; l’improvisation est nulle avec moi, et mon esprit ne peut faire un pas sans les béquilles du raisonnement.

Le soleil, l’air et la mer sont communs : la jouissance de ces objets présente le plus haut degré de communisme possible. Personne ne peut y planter de bornes, les diviser et délimiter. On a remarqué, non sans raison, que l’immensité de la distance, la profondeur impénétrable, l’instabilité perpétuelle, avaient pu seules les soustraire à l’appropriation. Telle et si grande est la force de cet instinct qui nous pousse à la division et à la guerre ! Il résulte donc de cette première observation, chose précieuse pour la science, que la propriété est tout ce qui se définit, la communauté tout ce qui ne se définit pas !… Quel peut être, après cela, le point de départ du communisme ?

Les grands travaux de l’humanité participent à ce caractère économique des puissances de la nature. L’usage des routes, des places publiques, des églises, musées, bibliothèques, etc., est commun. Les frais de leur construction sont faits en commun, bien que la répartition de ces frais soit loin d’être égale, chacun y contribuant en raison précisément inverse de sa fortune. Par où l’on voit, chose précieuse à noter, qu’égalité et communauté ne sont pas méme chose !… Certains économistes prétendent même que les travaux d’utilité publique devraient être exécutés par l’industrie privée, plus active, selon eux, plus diligente et moins chère : toutefois on n’est point d’accord sur ce point. Quant à l’usage des objets, il reste invariablement commun : l’idée n’est jamais venue à personne que ces sortes de choses dussent être appropriées.

Les soldats mangent la soupe en commun ; ils sont rationnés pour le pain et la viande, et reçoivent à part le fourniment, dont chacun est, pour ce qui le regarde, responsable. La salle de police et la chambrée, l’exercice et les manœuvres, leur sont aussi communs. Si quelqu’un parmi eux reçoit une gratification de sa famille, une avance du maquignon qui l’a vendu, il n’est point obligé d’en faire part à ses camarades. La vie militaire, d’un communisme assez prononcé, est mêlée ça et là de certains traits d’appropriation. C’est