Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/265

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munale, par l’unité des associations industrielles et commerciales, par les nombreuses unités de familles, et surtout par les unités isolées, par les innombrables unités individuelles. Il ne suffit pas qu’une grande nation, pour être vraiment grande et vraiment une, sache agir nationalement ; il faut aussi, et avant tout, que les hommes dont elle se compose soient actifs et expérimentés comme individus, comme familles, comme associations, comme communautés d’habitants, comme provinces. Plus ils ont acquis de valeur sous ces divers aspects, plus ils en ont comme corps de nation. »

J’engage le socialisme à méditer ces paroles, dans lesquelles y a plus de philosophie, plus de véritable science sociale, que dans tous les écrits des utopistes. Quant aux avantages spéciaux de la vie en commun, voici quelle paraît être, sur ce point, l’opinion générale.

A égalité de bien-être, si le travail, l’échange et la consommation s’effectuent dans une complète indépendance, la condition est jugée la meilleure possible ;

Si le travail est exécuté en commun, et que la consommation reste privée, la condition paraît déjà moitis bonne, mais encore supportable : c’est celle de la plupart des ouvriers et fonctionnaires subalternes ;

Si tout est rendu commun, travail, ménage, recette et dépense, la vie devient insipide, fatigante et odieuse.

Tel est le préjugé anticommuniste, préjugé qu’aucune éducation n’ébranle, qui se fortifie même par l’éducation, sans qu’on puisse découvrir comment cette éducation pourrait changer de principe ; préjugé, enfin, dont les communistes paraissent tout aussi imbus que les propriétaires. Comment expliquer, sans cela, leurs hésitations ? Qui donc les empêche de réaliser entre eux leur idée, et qu’est-ce qu’ils attendent ? Pour soumettre ma raison au principe communiste, je ne demande qu’une épreuve : qu’on me montre deux familles, maris, femmes, enfants, vivant ensemble confondus dans une parfaite communauté.

Mais le communisme ne s’entend pas lui-même : le communisme est encore à comprendre quel doit être son rôle dans le monde. L’humanité, comme un homme ivre, hésite et chancelle entre deux abîmes, d’un côté la propriété, de l’autre la communauté : la question est de savoir comment elle franchira ce défilé, où la tête est saisie de vertiges et les pieds se dérobent. Que répondent là-dessus les écrivains communistes ?