Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/272

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petit nombre, qui survécurent à la sauvagerie primitive, ont été le résultat de certaines dispositions d’esprit et de tempérament, comme aussi de certaines nécessités économiques, dans lesquelles la spéculation n’est entrée absolument pour rien. Ce n’est qu’après plusieurs siècles d’expérience et de mûres réflexions que l’antagonisme de la propriété et de la communauté se détermina d’une manière précise, et que l’on vit certains hommes, s’élevant au-dessus des considérations vulgaires, et foulant aux pieds, ceux-ci l’esprit qui avait suscité les institutions nouvelles, ceux-là les réminiscences de l’âge d’or, commencer à combattre systématiquement l’une ou l’autre tendance, et prétendre, les premiers, qu’il fallait ramener à la communauté tout ce qui en était sorti ; les seconds, qu’il fallait continuer à approprier tout ce qui pouvait être approprié. De là, deux utopies contradictoires, celle de la communauté, qui fuyait toujours, et celle de la propriété, qui grandissait sans cesse. Jamais la propriété ne fut ce qu’elle aspirait à devenir, entière et absolue ; jamais aussi la communauté ne fut complète : et le vrai communiste, comme le vrai propriétaire, est un être de raison.

Assurément je suis favorable au communisme, lorsque je lui suppose le désir de pousser son principe, dans l’application, jusqu’aux limites du possible : mais cela ne suffit point à une raison sévère. Qu’est-ce que le possible ? qui le déterminera, entre la communauté qui oblige et la personnalité qui oblige en môme temps ? Qui me prouvera que je doive, en aucun cas, céder à l’une plutôt qu’à l’autre, et comment le prouvera-t-il ? Si communiste que je sois, ne me faut-il pas toujours un principe pour reconnaître quelles sont les choses dont l’appropriation ou la communauté répugne ? Dès lors, n’est-il pas vrai que la communauté n’est rien par elle-même, non plus que la propriété, puisqu’elle a besoin d’un principe qui la constitue et la détermine ?

Venons aux faits. Je commence par celui de tous que l’opinion générale s’accorde à regarder comme l’écueil de la communauté, la famille.

Un journal communiste, l’Humanitaire, s’était prononcé nettement pour la communauté des femmes. M. Cabet déclara qu’il maintenait provisoirement le mariage et la famille, réservant, sans la repousser ni l’admettre, la question de communauté. M. Pecqueur de son côté se prononce sans arrière-pensée pour la monogamie ; et je vous crois trop médiocre compagnon, mon cher Villegardelle, in venerem