Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

segnis nocturnaque bella, pour supposer que vous exigiez rien de plus. N’ai-je pas droit de m’étonner de ce désaccord ? M. Pecqueur, sur l’article mariage, est moins communiste que M. Cabet, qui l’est moins que l’Humanitaire, qui est certainement le plus logicien de tous. Qui faut-il que je croie ? Si je ne consulte que le raisonnement, plus un certain appétit glouton très-prononcé parmi les socialistes, je suis avec l’Humanitaire contre la famille et le mariage. Si je réfléchis que la promiscuité des sexes détruit l’amour, je suis contraint d’admettre en sa faveur une exception qui en entraîne mille autres. Me voilà désorienté, livré sans défense à l’arbitraire. Quoi ! les communistes ne se peuvent déjà réunir en une idée commune ! Ils sont, comme nos représentants politiques, divisés en modérés et en ultras ! Il y a parmi eux une gauche, une droite, et des doctrinaires ! Qui donc est le Guizot de la communauté ?

Les communistes les plus raisonnables, les plus pratiques, par conséquent les moins avancés, et vous, mon cher Villegardelle, êtes de ce nombre, croient se tirer d’affaire sur la question matrimoniale en observant que la communauté tombe sur les choses, non sur les personnes. Omnia communia, dites-vous après Carpocrate, non omnes communes.

Il faut avouer que Platon, votre grand révélateur, et les gnostiques, et les manichéens, et les saint-simoniens, et Fourier, qui crurent possible d’assaisonner d’un peu de variété la monotonie du mariage, furent de pauvres raisonneurs, s’ils oublièrent à ce point l’inviolabilité du moi. Mais, pensaient-ils, faire l’amour est un bien, le plus grand des biens pour beaucoup de gens ; et là gît précisément la difficulté. Car si je dois respect à la personne de la femme, comment peut-elle me refuser la communauté de la chose ? ne suis-je pas son frère ? n’est-elle plus ma sœur ?…

Considérez, je vous prie, l’importance pour moi d’une solution, et réfléchissez aux conséquences, car je vous les promets inflexibles. Comment la communauté sera-t-elle appliquée en matière d’amour, et quelle sera, sur les rapports des sexes, la loi des convenances ? Pourra-t-il, en aucun cas, y avoir crime ou délit, et pourquoi ? Un homme, chez les premiers chrétiens, passant pour avoir épousé une jolie femme qu’il ne conduisait point à l’église, fut accusé d’égoïsme. Il s’excusa, et confondit les calomniateurs, en mettant sa femme à la discrétion de la communauté. Or, si la communauté pouvait contraindre le mari, elle pouvait