Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/274

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contraindre aussi la femme : le premier venu pouvait même, en l’absence de la communauté, exiger de cette femme le devoir… fraternel, et, à son refus, se faire justice de ses propres mains. Dans le communisme peut-il jamais y avoir viol, séduction, inceste ou adultère ? Songez encore une fois que sur tout cela il me faut la preuve, et la preuve de la preuve.

’Si vous embrassez dans sa plénitude le principe platonique, et que vous vous déclariez pour l’entière communauté des sexes, vous voilà contraint de rendre obligatoire la chose du monde la plus libre, l’amour, et de remplacer la prostitution par le viol. Où est alors la fraternité, l’urbanité, l’affection mutuelle ?

Si vous réservez que le consentement des personnes devra précéder toujours la jouissance, la communauté n’est plus que facultative : nous tombons dans les préférences, la vénalité, l’accaparement. Polygamie pour les uns, agamie pour les autres, trahison pour tous : c’est le régime actuel, canonisé sous un autre nom par Fourier. Les sectes socialistes qui admettent la communauté facultative des sexes sont encore les mêmes qui, copiant la civilisation, maintiennent le droit du talent et du capital, ou en dernière analyse, le droit de la force. Inégalité dans le partage des biens, inégalité dans le partage des amours : voilà ce que veulent ces réformateurs hypocrites, à qui la justice, la raison, la science ne sont rien, pourvu qu’ils commandent aux autres et qu’ils jouissent. Ce sont, on tout, des partisans déguisés de la propriété : ils commencent par prêcher le communisme, puis ils confisquent la communauté au profit de leur ventre.

Enfin, si vous maintenez l’inviolabilité du mariage, vous créez par cela seul, au sein de la grande communauté, une communauté nouvelle, imperium in imperio ; vous intronisez la famille, et comme attributs inséparables de la famille, le ménage, la propriété, l’hérédité, toute une série d’incompatibilités et de contradictions.

La communauté, dites-vous, tombe sur les choses, non sur les personnes. C’est là, permettez que je le dise, un tour d’escamotage. La communauté ou communion des personnes a lieu par l’intermédiaire des choses : à moins que les hommes ne se mangent, la communauté s’établit entre eux par l’usage des mêmes objets. Ainsi la communauté de ma chambre, de mon lit, de mes vêtements, obtenue malgré ma volonté, rend ma personne commune, c’est-à-dire, dans