Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme les économistes, contre la possibilité d’une règle de répartition. Les uns ont adopté pour devise, A chacun selon sa capacité, à chaque capacité selon ses œuvres ; mais se sont bien gardés de dire ni quelle était, selon eux, la mesure de la capacité, ni quelle était la mesure du travail. Les autres ont ajouté au travail et à la capacité un nouvel élément d’évaluation, le capital, autrement dit le monopole ; et ils ont prouvé une fois de plus qu’ils n’étaient que de vils plagiaires de la civilisation, bien qu’ils se fissent le plus remarquer par leurs prétentions à l’imprévu. Enfin, il s’est formé une troisième opinion qui, pour échapper à ces transactions arbitraires, substitue à la répartition la ration, et prend pour épigraphe : A chacun selon ses besoins, dans la mesure des ressources sociales. Par là, le travail, le capital et le talent se trouvent éliminés de la science ; du même coup, la hiérarchie industrielle et la concurrence sont supprimées ; puis la distinction des travailleurs en productifs et improductifs, tout le monde étant fonctionnaire public, s’évanouit ; la monnaie est définitivement proscrite, et avec elle tout signe représentatif de la valeur ; le crédit, la circulation, la balance du commerce, ne sont plus que des mots dépourvus de sens sous ce règne de la fraternité universelle ! Et je connais des gens, d’un véritable mérite, qui se sont laissés prendre à cette simplicité du néant !…

Vous l’avez dit, mon cher Villegardelle, la communauté est le terme fatal du socialisme ! Et c’est pour cela que le socialisme n’est rien, n’a jamais rien été, no sera jamais rien ; car la communauté, c’est la négation dans la nature et dans l’esprit, la négation au passé, au présent et au futur.


§ VII.— La communauté est impossible sans une loi d’organisation, et elle périt par l’organisation.


Rien de plus aisé à faire qu’un plan de communisme.

La république est maîtresse de tout : elle distribue ses hommes, défriche, laboure, construit des magasins, des caves et des laboratoires ; bâtit des palais, des ateliers, des écoles ; fabrique toutes les choses nécessaires au vêtement, à la nourriture, au logement ; donne l’instruction et le spectacle, le tout gratis, à ce qu’on croit, et dans la mesure de ses ressources. Chacun est ouvrier national, et travaille au compte de l’état, qui ne paie personne, mais qui prend soin de tout le monde, comme un père de famille fait de ses enfants. Telle est à peu près l’utopie de cet excellent M. Cabet, uto-