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Blanche de Mortsauf, une Marguerite de Solis ?

Certes, on eût bien étonné, et à bon droit, les Jacquemont, les Daru, les Mérimée, les Ampère, tous ces hommes de finesse et d’étude qui l’ont si bien connu et qui ne croyaient pas qu’il y eût besoin, pour si peu, de faire sonner tant de cloches, si on leur avait dit que le spirituel Beyle, à qui l’on doit tant de vues claires et fructueuses, tant de remarques appropriées, passerait romancier de nos jours. Mais enfin, il est encore plus vrai que vous ! Mais il y a plus de vérité dans la moindre étude, je dis de Sénac de Meilhan, de Ramond ou d’Althon Shée, que dans la vôtre, si laborieusement inexacte ! Tout cela est faux à crier, vous ne le sentez donc pas ?

Enfin l’audience est reprise (tout cela est bien dépourvu de circonstances et de détermination), l’avocat de Werner a la parole, et M. Flaubert nous avertit qu’en se tournant vers le président il fait, chaque fois, « une révérence si profonde qu’on aurait dit un diacre quittant l’autel ». Qu’il y ait eu de tels avocats, et même au barreau de Paris, « agenouillés », comme dit l’auteur, devant la cour et le ministère public, c’est bien possible. Mais il y en a d’autres aussi — cela, M. Flaubert ne veut pas le savoir — et il n’y a pas si longtemps que nous avons entendu le bien considérable Chaix d’Est-Ange (dont les discours publiés ont perdu non certes toute l’impulsion et le sel, mais l’à-propos et le colloque) répondre fièrement à une sommation hautaine du ministère public : « Ici, à la barre, M. l’avocat général et moi, nous sommes égaux, au talent près ! » Ce jour-là, l’aimable juriste qui ne pouvait certes trouver autour de lui l’atmosphère, la résonance divine du dernier