Page:Racine - Théâtre choisi, 1904, éd. Lanson.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mione Pyrrhus, et, comme Hermione vers Oreste, elle s’est retournée vers Montai ! pour ramener Alanio.

Voici un passage du premier livre de la Diane[1] qui explique la situation établie par Montemayor.


Moy donc estant éperdue pour Alanie, Alanie pour Ismenie, Ismenie pour Montan, il advint que quelques affaires survindrent à mon père sur les bornes des pasturages avec Philene, père du berger Monlan, c’est pourquoy ils vindrent tous deux beaucoup de fois en mon village, et au temps que Montan estoit déjà un peu refroidy en ses amours, ou à cause du reste de ses faveurs qu’Ismenie luy faisoit (ce qui cause fasclierie en quelques hommes de bas entendement) ou bien aussi parce qu’il avoit jalousie des diligences d’Alanie. Finalement qu’il me vit mener mes brebis à la bergerie, et me voyant il commença à m’aimer, de sorte que suivant ce qu’il alloit demonstrant chaque jour, il n’estoit possible de se porter plus grande affection, ny moy à Alanie, ni Alanie à Ismenie, ny Ismenie à luy. Voyez quelle estrange brouillerie d’amour : si d’aventure Ismenie alloit aux champs, Alanie estoit derrière elle : si Montan alloit au troupeau, Ismenie estoit derrière lui, si j’allois à la montagne avec mes brebis, Montan estoit derrière moi, si je sçavois qu’Alanie fust en un bois où il souloit faire paistre, ie m’y en allois après lui. C’estoit la chose la plus nouvelle du monde, d’ouïr comme Alanie disoit souspirant : Hélas Ismenie ! et comme Ismenie disoit : Hélas Montan ! et comme Montan disoit : Hélas Selvagie ! et comme la triste Selvagie disoit : Hélas Alanio !


II. — LA « FOLLE QUERELLE »


Perdou de Subligny, qui semble avoir appartenu au cercle précieux de la comtesse de la Suze, fit jouer la Folle querelle ou la Critique d’Andromaque le 18 mai 1668 : le succès fut très grand, îx en juger par le nombre des représentations. L’intérêt que le public prend à cette critique, n’en prouve pas tant le mérite, qu’il atteste la vogue d’Andromaque et la curiosité qu’elle excitait.

Subligny n’était pas un ennemi de Racine ; c’était un critique qui usait de son droit, comme plus tard il en usera pour Bérénice, et pour mettre Phèdre au-dessus de l’œuvre rivale de Pradon.

  1. Trad. Pavillon, 1615.