Page:Racine - Théâtre choisi, 1904, éd. Lanson.djvu/79

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Je l’avoue ; et depuis que je vous ai quitté,
J’en ai senti la force et connu l’équité,
J’ai songé, comme vous, qu’à la Grèce, à mon père,
À moi-même, en un mot, je devenois contraire ;
Que je relevois Troie, et rendois imparfait
Tout ce qu’a fait Achille et tout ce que j’ai fait.
Je ne condamne plus un courroux légitime,
Et l’on vous va, Seigneur, livrer votre victime.

ORESTE.

Seigneur, par ce conseil prudent et rigoureux,
C’est acheter la paix du sang d’un malheureux.

PYRRHUS.

Oui. Mais je veux, Seigneur, l’assurer davantage :
D’une éternelle paix Hermione est le gage ;
Je l’épouse. Il sembloit qu’un spectacle si doux
N’attendît en ces lieux qu’un témoin tel que vous.
Vous y représentez tous les Grecs et son père,
Puisqu’on vous Ménélas voit revivre son frère.
Voyez-la donc. Allez. Dites-lui que demain
J’attends, avec la paix, son cœur de votre main.

ORESTE.

Ah Dieux !



Scène V

PYRRHUS, PHŒNIX.
PYRRHUS.

Ah Dieux ! Hé bien, Phœnix, l’amour est-il le maître ?
Tes yeux refusent-ils encor de me connaître[1] ?

  1. Connaître : reconnaître. Sens très commun alors. Conformément à ce sens, méconnaître est ne pas reconnaître.