Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/269

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chaient aucunement leurs conceptions économiques à leurs systèmes philosophiques sur Dieu et le monde. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que Smith, en 1790 et par conséquent quelques semaines seulement avant sa mort, revisa sa Théorie des sentiments moraux pour une sixième édition, sans rien enlever de la profession de foi déiste qu’il y avait insérée trente ans auparavant[1].

Adam Smith se retira ensuite à Kirkcaldy auprès de sa mère. C’est là qu’il prépara ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations[2], qui parurent en 1776. Il passa les dernières années de sa vie à Edimbourg, où il remplit les fonctions de commissaire des douanes de 1778 à 1790, et il y mourut, après avoir vu quatre éditions successives de sa Wealth of nations.

Ses meilleurs amis et ses admirateurs les plus sincères ont reconnu que cet ouvrage, d’une si vaste portée didactique, manque d’ordre à un très haut degré. J.-B. Say l’appelait « un vaste chaos d’idées justes ». Il est donc peut-être nécessaire d’en donner ici le sommaire, pour expliquer la marche, bizarre sans doute, mais certainement fort étudiée, que Smith a voulu suivre.

La Richesse des nations s’ouvre solennellement par une définition que tout le monde connaît : « Le travail annuel d’une nation, dit Smith, est le fonds primitif qui fournit à sa consommation toutes les choses nécessaires et commodes à la vie, et ces choses sont toujours ou le produit immédiat de ce travail, ou achetées des autres nations avec ce produit[3]. » C’est déjà une protestation contre le principe essentiel de l’école physiocratique.

Mais cette quantité des produits va dépendre : 1° de l’ha-

  1. On peut voir à cet égard un très long résumé de la discussion dans les Philosophischen Grundlagen des œkonomischen Liberalismus du R. P. Pesch (Op. cit., Freiburg, 1899, pp. 112 et s. et p. 159). — Oncken croit à une évolution d’Adam Smith vers le matérialisme.
  2. Inquiry into the nature and causes of the wealth of nations.
  3. T. I, p. 1 (Nous citerons toujours Adam Smith d’après l’édition Guillaumin, 1843).