Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/507

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le mal soit infiniment plus grand en France que dans d’autres pays aussi riches, aussi instruits et non moins civilisés que le nôtre ; on explique fort bien que des milieux intellectuels, mais très moraux et très religieux, comme la bourgeoisie lyonnaise, donnent des exemples persistants de fécondité, en luttant contre la loi de Doubleday par tout ce qui constitue la santé morale des sociétés[1] ; on explique fort bien aussi que la France rurale présente, d’une région à une autre, des coefficients de natalité qui varient du simple au triple ; nous expliquerions fort bien, enfin, que telles et telles communes, que nous pouvons citer dans la région lyonnaise, aient vu, en l’espace de quatre-vingts ans, leur coefficient de natalité tomber de 40 et 45 ‰ à 15 et 18 ‰, tandis que le genre de vie et l’alimentation moyenne n’y subissaient que des changements insignifiants, si l’on voulait invoquer la loi de Doubleday, et tandis que le niveau intellectuel moyen n’y montrait aucune hausse appréciable, si l’on voulait invoquer celle de Spencer.

Le mal est donc presque tout entier dans la dépravation de la volonté. Des causes économiques ont pu contribuer à égarer cette volonté, mais il ne faut pas confondre avec la volonté ce qui lui est le motif de vouloir. Les causes déterminantes de ce vouloir sont aussi beaucoup plus morales qu’économiques et sociales.

C’est sans doute ce progrès du néo-matlhusianisme qui résout l’une des énigmes de la démographie contemporaine. Pourquoi, en France, la proportion des sexes va-t-elle en se modifiant parmi les naissances légitimes, tandis qu’elle demeure inchangée parmi les naissances illégitimes ?

Voici les faits. Prenons pour termes de comparaison, d’une part, la période 1881-1883 choisie au hasard, d’une

  1. Cet exemple, cité par Levasseur (Population française, 1. IV, ch. v, t. III, p. 169), est parfaitement exact. M. Levasseur en avait recueilli la constatation certaine et facile à un des banquets annuels de la Société d’économie politique de Lyon, auquel nous assistions. M. Levasseur était du reste à peu près le seul qui avoua l’influence directe de la religion.