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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


connaissance de l’avoir recueillie, et je sais que cette bienfaisance me vaudra votre pardon…

Hélas ! je me flatte, Zinga est toujours ici pour me rappeler ce qu’elle a appelé mon crime, lorsqu’elle a voulu partager l’or. Ah ! l’atroce nuit où je me suis disputée, battue avec elle — une esclave ! — où elle m’a menacée de m’accuser devant le gouverneur, si je ne lui donnais « pas sa part. » Ah ! comme elle se sent bien maîtresse de mon existence, comme elle se moque bien de mes ordres ! « Sa part », c’est ma fortune ! oui, voilà ce qu’elle désire.

Et dire que pour m’épargner une calomnie ridicule, par avarice, par lâcheté, je suis sous le coup d’une dénonciation capitale !

Il est vrai que le témoignage d’un esclave est nul devant la justice. Le docteur m’a bien semblé le dire. Et pour en être plus sûre encore, je le lui ai demandé :

— N’est-ce pas, docteur, on n’admet pas les plaintes des noirs au Conseil ?

Il fut surpris de ma question. Le trouble que je montrai tout d’abord au récit du crime, lui avait laissé croire qu’il m’avait convertie à sa méfiance et à sa haine extrême des noirs. Ma demande, au contraire, qui tombait inopinément au milieu de son discours, lui prouvait que depuis plusieurs minutes, je n’écoutais que d’une oreille fort distraite ses commentaires.

— Et qu’importe ! s’écria-t-il, revenant toujours à son sujet. Le nègre a beau être dissimulé et hypocrite, il y a des circonstances où il ne peut mentir, où il