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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


fort gracieuse, Agathe a chuchoté à l’oreille d’Antoinette, et elles ont quitté la galerie vitrée. Nous nous sommes assises à l’entrée, dans la nuit ardente des hauts feuillages ; la lumière lissait les palmes les plus élevées, veloutait le parasol des cocolobas et semblait détacher au-dessus de nos têtes le beau fruit des aciers, rouge comme une chair à vif. Mais l’ombre était profonde autour de nous, et à nos pieds, toute une végétation de lianes rampait et, eût-on dit, nous enlaçait, fortifiant notre intimité.

— Ma chère, me dit vivement Mme de Létang, je vous l’affirme, Mme Du Plantier est une catin… le mal qu’elle essaie de vous faire est incalculable. Elle vous a longtemps calomniée auprès de M. le gouverneur. Mais M. le gouverneur était un homme de trop bon goût pour souffrir une vieille fée de sa tournure.

— N’est-il plus son amant ? fis-je d’un ton de surprise qui n’était que joué, car je savais fort bien que le gouverneur avait remplacé cette ancienne maîtresse par Mme de Létang.

— Vous comprenez, répliqua-t-elle, qu’une personne de son âge, aussi mal conservée et aussi ridicule, n’a point les amants qu’elle voudrait. Par bonheur pour elle on la dit fort riche ; sans doute fait-elle part à ses amis de ses richesses. Il y a des gens qui ne demandent à une femme que de telles complaisances… Ainsi cet odieux Montouroy.

— Je croyais qu’il vous faisait la cour…

— Un moment je l’ai eu à mes pieds, mais je lui ai donné de tels camouflets qu’il est allé porter ail-