Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
GASPARD

Gaspard avait trop d’âme pour ne pas être ému. Il sentit confusément qu’on entrait dans une terre bénie. Il s’écria :

— Ah, les p’tites femmes ! Les chics p’tites femmes ! Vrai, ça vaut d’s’être cogné pour revoir ça ! C’qu’elles sont mignonnes !

Et dans son transport, lui-même il se multiplia. Se tenant la fesse, il allait de l’une à l’autre, prenait, emplissait ses mains et ses poches, puis les vidait dans les wagons. Il demandait aux grands blessés immobiles :

— M’sieur désire ? Poires de curé ? Figues d’Arabie ? Raisin muscat ? Y a d’tout, poteau, va, n’te gêne pus !

Puis, dégustant lui-même et coup sur coup, pêches, poires, raisin noir, raisin blanc, la bouche pleine, il rapportait aux plus à plaindre de quoi rafraîchir la fièvre qui les brûlait.

— Flaire ça d’abord, avant d’goûter. C’est pas du fruit, ça, c’est d’la fleur !

Il leur tenait la tête, chantonnant :

Ça fait du bien par où qu’ça passe.

Il repartait, oubliait sa fesse, poussait un cri, riait aux dames, disait :

— Merci !… Encore !… Vive la France et Pantruche !… Ah, que c’est bath… ça c’est bath !

De sa vie il n’avait jamais été aussi comblé ni