dans l’infini, une vapeur sur un ciel pur, une strie sur un vaste rideau. Il faut renoncer à l’étroit concept de la scolastique, prenant l’esprit humain comme une machine parfaitement exacte et adéquate à l’absolu. Des vues, des aperçus, des jours, des ouvertures, des sensations, des couleurs, des physionomies, des aspects, voilà les formes sous lesquelles l’esprit perçoit les choses (27). La géométrie seule se formule en axiomes et en théorèmes. Ailleurs le vague est le vrai.
Telle est l’activité de l’intelligence humaine que c’est la forcer à délirer que de la renfermer dans un cercle trop étroit. La liberté de penser est imprescriptible : si vous barrez à l’homme les vastes horizons, il s’en vengera par la subtilité : si vous lui imposez un texte, il y échappera par le contre-sens. Le contre-sens, aux époques d’autorité, est la revanche que prend l’esprit humain sur la chaîne qu’on lui impose ; c’est la protestation contre le texte. Ce texte est infaillible ; à la bonne heure. Mais il est diversement interprétable, et là recommence la diversité, simulacre de liberté dont on se contente à défaut d’autre. Sous le régime d’Aristote, comme sous celui de la Bible, on a pu penser presque aussi librement que de nos jours, mais à la condition de prouver que telle pensée était réellement dans Aristote ou dans la Bible, ce qui ne faisait jamais grande difficulté. Le Talmud, la Masore, la Cabbale sont les produits étranges de ce que peut l’esprit humain enchaîné sur un texte. On en compte les lettres, les mots, les syllabes, on s’attache aux sons matériels bien plus qu’au sens, on multiplie à l’infini les subtilités exégétiques, les modes d’interprétation, comme l’affamé, qui, après avoir mangé son pain, en recueille