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La Tache carrée



Le Péril Bleu » ! die Blaue Gefahr ! the Blue Peril ! el Peril Azul ! il Perile Azzuro ! — ce terme journalistique eut la fortune de son cousin le vocable « Sarvant ». Son emploi devint universel. Et même, il exerça sur la pensée du monde une influence des plus curieuse.

Le pouvoir des mots ne connaît pas de limites. On avait désigné la nouvelle plaie du nom de Péril Bleu parce que les agresseurs empruntaient le chemin du ciel : mais, pour l’heure, à force de vérifier l’inanité des perquisitions mondiales, à force de lire, de dire et d’entendre « Péril Bleu », on inclinait à croire que l’ennemi c’était le ciel lui-même, et non plus que les larrons s’allaient rembucher dans un fort terrestre, après l’avoir utilisé comme une route de saphir. Il fallait un raisonnement pour remettre les choses au point. Alors on apercevait l’immense difficulté des recherches. On se représentait les myriades d’explorateurs en train de parcourir les steppes, les brousses, les jungles, les maquis, afin de découvrir le gîte des Sarvants ; et l’on saisissait combien de lieux pouvaient échapper, sur le vaste globe, à leur perspicacité. On pensait aux forêts vierges, aux montagnes inabordables, aux cavernes dont l’ouverture est une faille imperceptible ; on pensait à des bastilles souterraines et jusqu’à des constructions sous-marines. Mais l’idée de l’eau ramenait l’idée de l’air, et de nouveau les plus pondérés se surprenaient à l’examen du ciel,