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la tache carrée

Mais, d’un effort, il secouait l’absurde obsession, se gourmandait d’y avoir cédé, et pour la chasser, pour assainir ses idées, il se forçait à choisir un astre dans une constellation, à repasser l’histoire de sa connaissance et à réciter ses nombres d’espace et de temps.

On le devine : à ces heures scientifiques, l’astre qui sollicitait davantage ses regards était Véga, ou alpha de la Lyre, — cette Véga dont il avait cessé l’observation pour venir à Mirastel, laissant là des travaux qu’il comptait reprendre quinze jours plus tard et qu’après deux mois il n’avait pas repris. — M. Le Tellier se plaisait donc au spectacle de la belle étoile blanche vers quoi le Soleil nous entraîne. Elle semblait l’attendre, et longtemps il admirait l’éclatante pâleur que son hydrogène lui procure.

Le 6 juillet, vers une heure du matin, fuyant une alcôve hantée de cauchemars, il se mit au balcon et chercha l’étoile Véga.

Elle atteignait le point culminant de son orbe ; elle allait passer au plus près du zénith, à quelques degrés vers le sud. Pour la voir, il fallait lever la tête et regarder presque au centre des cieux. Elle glissait, candide et sereine, de gauche à droite…

Mais, en coupant le méridien du lieu, c’est-à-dire parvenue au sommet de sa course, — tout à coup elle s’éteignit.

M. Le Tellier fit un haut-le-corps. Il n’était pas revenu de sa stupeur, que l’étoile brillait de plus belle et continuait sa ronde autour de la Terre, s’abaissant du côté de l’ouest.

L’astronome ne la quittait plus des yeux. Ivre d’énergie et de curiosité, il la suivit passionnément jusqu’au matin qui l’effaça. — Il avait épié sans défaillance le retour d’un phénomène que son œil expert n’eut pas l’occasion de réobserver.

Il mit alors sur le compte de la fatigue et de l’énervement ce qu’il traita d’aberration d’optique, et s’en fut dormir.

Cependant, au réveil, il se consulta. Hum ! une hallu-