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iv

Mirastel et ses Habitants



Voici venue l’heure de peindre le site où M. Le Tellier, sa famille et son secrétaire venaient d’arriver ; l’heure aussi d’esquisser le portrait de ceux qu’il amenait avec lui et de ceux qu’il retrouvait ; l’heure enfin de révéler pourquoi Mirastel avait à recevoir ses hôtes annuels dans un temps si prématuré.

À qui l’observe du midi — par exemple au touriste naviguant sur le lac du Bourget — le Colombier semble un piton formidable, un kopje isolé. On le prendrait alors pour un frère géant de ces buttes qui parsèment la contrée de leurs brusques rotondités et que les autochtones appellent des mollards. C’est une illusion. Le Colombier n’a rien d’un piton, Ce que vous regardez comme tel, c’est la croupe d’une longue, longue chaîne où se termine le Jura. Le Colombier vient de très loin dans le nord, et il a soulevé son échine tortueuse pendant des lieues et des lieues avant de s’arrêter ici, dans un effondrement échelonné de mamelons et de ravines, — descente magnifique de forêts courtes et trapues, succession de gorges abruptes et de landes onduleuses, sorte d’abside à quelque surhumaine cathédrale, d’où rayonnent les contreforts de roc et de verdure comme des arcs-boutants qui seraient des montagnes.

Le versant oriental du Colombier meurt au niveau du Rhône qui, de ses méandres, en festonne le contour. Le