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UN GENTILHOMME PHYSICIEN

geait sa vie entre la crypte et l’atelier. Le cœur plein de ressentiment et l’âme remplie de science, il passait, disait-on, de l’un à l’autre, méditant par-ci, travaillant par-là, sans que personne pénétrât l’objet de ses extases ni le but de ses études. Il passait de l’un à l’autre, comme d’un regret invincible à une espérance sans joie ; et le manoir ancestral où sa race allait s’éteindre avec lui n’avait jamais été si lugubre.

Et pourtant, ce fut toujours un triste logis que celui-là. Les Outremort du onzième siècle l’ont bâti sur un mont, centre de leurs mouvances. Imaginez, au cœur d’une sombre forêt, un sombre rocher colossal dont la cime serait taillée en forteresse, voilà le château d’Outremort au sommet de son assise. Ce morne qui s’achève en architecture, ce basalte sommé d’une foison de tourelles pointues, cela fait rêver de stalagmites cyclopéennes. Enténébré, féodal et gigantesque, élégiaque et romantique, avec je ne sais quoi de fabuleux, — rhénan, pour tout dire d’un mot, — on croirait une imagination de Gustave Doré pour situer le plus angoissant des contes de