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L’HOMME AU CORPS SUBTIL

Or, une nuit de l’hiver 1901-1902, — n’ayant sur soi, bizarrement, ni pardessus ni couvre-chef, — Bouvancourt arpentait les trottoirs de Pontargis d’un pas ferme et sonore, avec la mine d’un garçon qui se trouve joliment bien dans sa peau.

Il avait guetté de sa fenêtre le moment où les rues seraient désertes, et alors il était sorti pour la première fois depuis sept jours. Car toute une semaine la passion des recherches venait de le cloîtrer dans son laboratoire, aux prises avec une découverte imminente. Sept jours et sept nuits — un temps fatidique — il avait poursuivi la Vérité, comme une déesse habile aux ruses et prompte à la course. Elle s’était rendue, à neuf heures du soir. Aussitôt, son vainqueur, tout frémissant d’orgueil, avait repris conscience de ses muscles et de ses nerfs ; un furieux désir l’empoignait de marcher bon train, sans idées, à l’air vif…

Cependant, malgré l’autorité de son envie, Bouvancourt avait guetté de sa fenêtre le moment où les rues seraient désertes. Puis il avait réveillé sa bonne, Mariette, la priant