Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/37

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« Ordre fut alors donné secrètement à chacun de nous de ne plus quitter ses victimes afin d’être prêts au premier signal.

— Quel était ce signal ? interrogea le président.

— Le cri du hibou, répondit Feringhea, que devait imiter Budrinath lorsqu’il jugerait le moment du sacrifice arrivé.

Nous pensons utile de décrire l’émotion sous laquelle l’Hindou tenait l’auditoire.

Tous ceux qui pouvaient le voir ne le quittaient pas des yeux ; les autres ne perdaient pas un mot de son épouvantable récit.

Sir Edward Buttler, qui assistait aux débats, dont il allait devenir un des principaux témoins, n’avait pu contenir une exclamation de vengeance à l’indication du signal habituel des meurtriers. C’était bien, en effet, le cri du hibou qui l’avait éveillé sur les rives du Panoor, dans la nuit de l’attentat dont les siens avaient été victimes.

Feringhea s’était contenté d’arrêter un instant sur le colonel son regard froid et incisif, mais son masque impassible n’avait pas eu un frémissement.

— Continuez, dit lord Bentick à l’Hindou.


V

LE SAHOUKAR



Tout fier de l’émotion qu’il répandait dans l’auditoire, le chef des Thugs reprit son récit en s’animant de plus en plus.

— Tout le monde savait que je devais tuer le sahoukar et plusieurs de mes compagnons étaient curieux d’assister à mon coup d’essai.

« À mesure que le temps approchait, mon cœur brûlait d’une impatiente ardeur, comme celui d’un soldat vaillant, qui pour la première fois, va s’élancer dans la mêlée.

« Mon maître, le gooroo, se complaisait dans le spectacle de mon enthousiasme. Il ne me parlait pas, mais je lisais son exaltation dans ses yeux, qu’il fixait sur moi avec la tendresse d’un père et l’orgueil d’un maître à qui son élève fait honneur.

À ces comparaison horribles, un murmure s’éleva dans la salle ; mais le président le réprima d’un geste et dit au sinistre narrateur :

— Feringhea, quelle que soit pour nous l’importance de vos révélations, la dignité de ce tribunal ne lui permet pas de supporter plus longtemps le ton