Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/496

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pauvre femme a beaucoup souffert, la raison l’a abandonnée. Peut-être ne vous reconnaîtra-t-elle pas.

— Oh ! mon amour la guérira. Allons vite la rejoindre.

En disant ces mots, Ada, qui s’était enveloppée dans un peignoir, se dirigea rapidement vers le salon.

L’absence du comte avait été si courte que Saphir avait eu à peine le temps, en revenant à elle, après les étranges révélations qui lui avaient été faites, de lever les yeux sur Harris, dont elle ne s’était pas occupée jusque-là.

Frappée de la fixité et de la douceur de son regard, elle s’était approchée de lui et s’était aperçue alors que ses yeux étaient humides.

— Vous pleurez, lui dit-elle, vous aussi ; pourquoi ?

— Parce que je vous aime, moi aussi, répondit Harris en s’efforçant de rester maître de lui, et parce que, comme le comte, je veux être votre protecteur et votre ami, si vous voulez, mon enfant, de ma protection et de mon amitié. Ne me refusez pas, Sarah.

— Sarah ! comme lui vous m’appelez Sarah ! Merci. Vous savez donc tout ?

— Oui, je sais tout. C’est pour cela que je vous plains et que je vous offre mon affection.

— Oh ! je l’accepte, monsieur, je l’accepte de tout cœur. Soyez béni pour ces bonnes paroles.

Et Saphir, par un mouvement charmant de confiance et d’abandon, laissa tomber ses mains dans celles que le docteur lui tendait en tremblant.

C’en était trop pour le malheureux. Il attira la jeune fille à lui par un mouvement convulsif, involontaire, la serra vivement dans ses bras, toucha son front de ses lèvres et se rejeta bien vite en arrière en étouffant un sanglot.

Au même instant, le comte et la comtesse entraient dans le salon.

— Ma mère ! ma mère ! dit Ada en se jetant aux genoux de l’idiote et en lui faisant un collier de ses bras nus, sans s’inquiéter autrement des personnes qui étaient là. Elle ne les avait même pas aperçues.

À cette voix qu’elle entendait pour la première fois, à cette étreinte affectueuse qui n’était pas celle de Saphir, la seule, hélas ! dont elle eût l’habitude depuis bien longtemps, la folle leva les yeux et contempla avec une espèce de terreur cette belle jeune femme qui la tenait entrelacée et dont les lèvres n’interrompaient leurs baisers que pour lui dire des paroles d’amour.

Pendant un instant la comtesse put croire que sa mère allait se souvenir, car la pauvre femme, les yeux fixés sur les siens, cherchait évidemment à se rendre compte de ce qui se passait.