Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/539

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Ils y étaient à peine, armés d’espars et de bouées destinées à être glissées entre les deux bâtiments, qu’ils roulèrent à l’eau frappés à mort.

Les matelots de l’Éclair s’étaient élancés sur eux, avant même qu’ils eussent été aperçus.

Pendant quelques minutes ce fut une scène indescriptible.

Six des assaillants coururent à l’avant pour fermer le panneau du poste de l’équipage et se rendre maîtres des hommes qui se trouvaient sur le pont.

Ce fut l’affaire d’un instant ; ces malheureux étaient sans armes.

On entendit quelques gémissements, puis rien !

À l’arrière, l’attaque n’avait été ni moins rapide ni moins décisive.

Villaréal, à la tête de ses gens et accompagné de Tom avait envahi la dunette. Le combat n’avait duré que quelques minutes.

Réveillé en sursaut, le capitaine du Duc d’York était tombé le premier frappé sur le seuil de sa cabine, et lorsque le comte bondit dans la chambre de l’arrière, il ne put retenir un cri de joie.

Sir Arthur était là, ne songeant pas même à se défendre, car ne pouvant se douter de ce qui se passait, il était sorti de chez lui à demi-vêtu.

— Nadir ! s’écria-t-il avec épouvante, reconnaissant l’Hindou à la lueur de la lampe de l’habitacle, Nadir !

Et il passa la main sur son front, pensant qu’il était peut-être le jouet d’un songe.

— Ah ! vous me reconnaissez, sir Arthur Maury. Eh bien, vous n’êtes pas au bout de vos surprises, Tom, empare-toi de cet homme et conduis-le à bord.

Le colonel, revenu à lui, voulut résister ; mais avant qu’il eût pu faire un mouvement, le colosse le saisit dans ses bras vigoureux et le transporta d’un bâtiment dans l’autre, comme il l’eût fait d’un enfant, sans s’inquiéter autrement de la scène de pillage dont le Duc d’York était le théâtre.

Les matelots de Léoni avaient brisé le panneau de la chambre et ils enlevaient de la cale une énorme quantité de petits barils cerclés de fer qu’ils faisaient passer sur leur bâtiment.

C’étaient les millions de la Compagnie.

Cependant Villaréal avait suivi Tom. Il arriva en même temps sur l’Éclair.

Le yacht était toujours retenu au clipper par ses grappins d’abordage, mais non sans quelque danger, car le vent s’était levé et la mer grossissait rapidement.

— Hâtons-nous, fit le comte en poussant devant lui sir Arthur Maury dans la chambre de l’arrière. Tom, dis à Yago d’amener ici les deux prisonniers et prie le docteur de descendre.