Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/378

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rait déposé au cimetière Montparnasse, en attendant qu’il pût être transporté en Bretagne.

Comme si l’accomplissement même de ces devoirs eût armé le créole d’une énergie nouvelle, il passa la journée dans un calme relatif, et cependant, plus de vingt fois, il entra dans la chambre d’Éva ; mais il s’agenouillait, mettait un long baiser sur le front de la chère envolée et s’éloignait sans verser une larme, sans prononcer une parole.

S’il apercevait un voisin de campagne, entré aux Tilleuls pour dire un dernier adieu à la pauvre comédienne, il saluait et détournait la tête. Si, dans ses allées et venues, incessantes, fiévreuses, sans but, à travers la maison, il rencontrait Mme Bertin, dont la douleur était navrante, et Blanche, dont les grands yeux ne cessaient de pleurer, il serrait la main à l’une, embrassait l’autre, et se sauvait bien vite.

Pierre, lui, se glissait de temps en temps dans le cabinet de toilette du rez-de-chaussée, ou bien il se hissait sur la pointe des pieds, dans le jardin, pour voir encore une fois, par les fenêtres grandes ouvertes, sa bonne maîtresse, puis il s’enfuyait dans le parc, où on l’entendait sangloter.

Quant à Jeanne, elle demeurait, avec un dévouement de sœur de charité, auprès de celle qu’elle avait si fidèlement servie, prenant un soin constant à ce que tout fût, autour d’elle, coquet, élégant et parfumé, comme lorsqu’elle vivait.

Le visage d’Éva ne portait plus d’autres traces de