Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/55

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des motifs qui avaient conduit le jeune officier à mettre fin à ses jours.

Louis de Tiessant fut profondément frappé par ce terrible événement, mais, au lieu de le ramener à des idées plus saines, à une appréciation plus juste des choses, son chagrin, au contraire, l’aigrit davantage. Dès ce jour, il devint le maître le plus dur, le chef de famille le plus autoritaire, aussi bien pour sa malheureuse femme, dont le désespoir maternel était un reproche incessant, que pour ses filles, qu’il avait fait venir à Londres, bien qu’on fût en plein hiver, s’en prenant à celles qui l’entouraient, toujours dévouées et soumises cependant, de l’effondrement de sa fortune.

À partir de ce moment, ce fut pour Mme de Tiessant et ses enfants une vie d’autant plus pénible que la privation du luxe auquel elles étaient accoutumées avait été plus rapide. Elles n’avaient pas fait l’apprentissage de la gêne, qui était venue tout à coup, du soir au lendemain.

Elles demeuraient dans Jermyn-Street, l’une des petites rues qui avoisinent Leicester-Square, le quartier français, c’est-à-dire celui où se réfugient nos compatriotes condamnés ou menacés de l’être : proscrits politiques, banquiers en rupture de caisse, repris de justice, filles dont Paris ne veut plus, population hétérogène et interlope qui vit là, à deux pas des grands théâtres de Haymarket et des parcs aristocratiques, donnant à certains carrefours, où l’argot résonne lorsque la nuit est venue, la physio-