Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/78

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la brave veuve, qui ne savait rien des peines conjugales de la jeune femme, ne troubla pas sa douleur qu’elle partageait, car la mort de sa sœur l’avait profondément affectée elle-même ; mais lorsqu’une semaine plus tard, un matin qu’elle avait reçu une lettre de son mari, lui ordonnant de revenir immédiatement à Londres, Mme  Noblet, ne pouvant cacher plus longtemps le secret qui l’étouffait, apprit à sa tante comment elle avait été mariée et combien elle était malheureuse, Mme  Bertin ne put s’empêcher de s’écrier :

— Le méchant homme ! Après avoir été cause du suicide de Robert et de l’entrée de Blanche au couvent, il t’a ainsi torturée et vendue, toi, ma chérie, à moins de seize ans ! Que Dieu lui pardonne ; mais que ma pauvre sœur a dû souffrir ! Ah ! je comprends que le chagrin l’ait tuée !

Et comme Éva, les mains jointes, les sourcils froncés, le front courbé sous le poids de son infortune, demeurait immobile et muette, sa parente l’attira sur ses genoux, la pressa contre sa poitrine, se rappelant que c’était ainsi qu’elle la consolait autrefois, lorsqu’elle était toute petite, et elle lui dit rapidement :

— Mais cela est horrible, monstrueux, tu ne peux continuer à vivre de la sorte ! Je ne veux pas que tu retournes en Angleterre. Nous ferons annuler ton mariage ; nous obtiendrons tout au moins ta séparation. Ta pauvre mère n’est plus là ; je la remplacerai. Je n’ai pas d’enfants, tu seras ma fille. Je t’aimais