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LES DEUX CINQUANTENAIRES

Depuis que Parlis s’était rendu malheureux, il vivait plus isolé que jamais. Personne dans son quartier ne le connaissait, et un homme qui demeurait vis-à-vis de ses fenêtres, avait promis une récompense à un facteur de la petite poste[1], s’il découvrait son adresse. Il passait devant les personnes de la maison, on leur faisant un salut muet ; deux jolies voisines qui vinrent demeurer sur son carré, n’en obtinrent pas une parole, quoiqu’elles l’eussent tenté, en lui demandant de l’eau, du feu ou de la lumière. Parlis ouvrait à leur voix, donnait en s’inclinant, et ne disait mot. Ce fut cet homme qui fit la conquête d’une nouvelle Hipparchia.

La maison où logeait Parlis, était tenue par une belle femme, qui avait pour fille une jeune et jolie personne ; l’aimable Élise, en entendant parler de son voisin, s’intéressa vivement à lui ; elle chercha l’occasion de le voir, la trouva, et lui marqua cette confiance innocente et naïve, qu’inspire à la jeunesse une réputation de mérite et de probité. Parlis, naturellement sensible, fut touché jusqu’au fond du cœur de l’impression qu’il faisait sur la séduisante Élise. Sans avoir de but fixe, il mit son étude à la fortifier, et il y réussit : il loua la jeune Elise ; il flatta son cœur, neuf encore, par un sentiment sérieux de tendresse : jusqu’à ce moment, l’amitié n’avait été qu’un jeu pour elle, et si l’amour lui-même s’était fait entrevoir à la dérobée, c’était comme un enfant qui cherche à badiner avec une enfant comme

  1. Après un premier essai fait en 1653 par M. de Velayer, maître des requêtes, la petite poste fut définitivement organisée, de 1758 a 1760, par Piarron de Chamousset, maître des comptes. « Il sera établi dans notre ville de Paris, disait la déclaration royale du 8 juillet 1759, différents bureaux pour porter d’un quartier dans un autre, dans l’enceinte des barrières, des lettres et paquets, sur le pied de deux sols par lettre simple, le billet ou carte au-dessous d’une once, soit qu’il y ait enveloppe ou qu’il n’y en ait pas, et trois sols l’once pour les paquets : et à l’effet de prévenir les abus, le port sera payé d’avance ; les lettres et paquets seront timbrés du timbre particulier à chaque bureau dont ils seront partis ; toutes les lettres et tous les paquets seront apportés à un bureau général pour être de là distribués dans la ville. »
    Le service de la petite poste commença à fonctionner le 9 juin 1760. Il formait neuf bureaux auxquels étaient attachés cent dix-sept facteurs.