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LA DERNIÈRE AVENTURE

que le chagrin de ne pouvoir profiter du bonheur qu’on lui offrait. Il résolut de s’expliquer nettement là-dessus avec Élise, avant d’écrire à M. de Blémont. Ainsi, le lendemain. Élise lui ayant demandé s’il avait écrit, il la pria de lui accorder un moment d’entretien.

« Ma chère Élise, lui dit-il lorsqu’ils furent seuls, j’ai senti tout ce que vos discours d’hier renfermaient de flatteur pour moi ; mais permettez, qu’avant de remercier M. de Blémont, je vous expose la situation où je me trouve. Je vous adore ; mais le sort jaloux qui m’a toujours poursuivi, m’ôta les occasions lorsque j’avais les facultés ; il m’offre aujourd’hui ces occasions, qui eussent fait autrefois mon bonheur, lorsque les facultés n’existent plus. Je vous adore ; mais vous n’aurez en moi qu’un ami tendre ; l’amant ni l’époux ne s’y rencontreront jamais. — Quoi ! vous ne voudriez pas me faire porter votre nom ! — Si, mais je ne vous lierai pas avec un être déjà mort. — Eh ! que m’importe ? Si je suis à vous, je me trouverai heureuse ; je le suis dès à présent, si vous me le promettez, si je puis compter là-dessus ?… — Vous me séduisez, mon Élise, mais prenez garde de travailler ici contre vous-même ! — Non. non, ne craignez rien ! La nature semble m’avoir faite pour vous. Remerciez, je ne veux qu’un père tendre et je l’ai trouvé en vous. — Mais je suis votre père dès ce moment. — Je vous veux pour mari. — Il me siérait mal de me faire presser, pour ce que j’ai toujours désiré le plus au monde depuis que je vous connais. J’accepte l’honneur que vous me voulez faire ; mais, ma chère fille, songez bien que je ne remplirai à votre égard que les devoirs d’un tendre père. — Je serai aussi votre tendre fille et, pourvu que j’obtienne tout ce qui dépend de ce titre, je serai contente. Écrivez. » Parlis, déterminé, mit la main à la plume :


Lettre de Parlis à M. de Blémont

Il est inutile, monsieur, que vous rendiez une nouvelle visite à Mlle Elise : elle me charge de vous témoigner sa reconnaissance, pour