Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/131

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riches faisaient les mêmes choses que ceux des pauvres, les troupeaux étaient gardés par les fils et les filles de la maison ; parce que c’était l’occupation la plus douce, comparée à la charrue, au travail de la vigne, au battage dans la grange, etc. Il suit de là, que les bergers et les bergères des peuples agricoles, étaient réellement au-dessus des autres cultivateurs ; que leur emploi était moins pénible, plus noble, et plus considéré ; que les pâturages d’alors étant moins coupés de champs cultivés, les troupeaux y erraient à volonté ; les pasteurs n’avaient d’autre soin que de les préserver des bêtes féroces et des voleurs. Le loisir des bergers était continuel, sans néanmoins être une oisiveté : ce qui donnait plus de sel à leurs amusements. Car j’éprouvai, dés l’âge où j’en suis actuellement, cette sensation, que l’inutilité est un honteux supplice ; au lieu que l’occupation loisireuse est une jouissance réelle. Ainsi les bergers et les bergères se livraient sans scrupule et sans honte, à des jeux innocents, à observer les astres, les oiseaux, le temps ; à composer des contes et des chansons ; enfin, à faire l’amour, après l’avoir chanté. Ce ne sont point ici des conjectures de savant ; c’est ce que j’ai fait, moi, né de parents aisés : ce n’étaient que les enfants comme moi, les jeunes Rameau, les Disson, les Piôt, les Fouard, les Dumont, les Bérault, les Dondène, les Daugis, les Roard, les Miné, les Gautier, les Champeaux, les Tilhien, etc., qui allaient en été garder leurs troupeaux : les enfants des habi-