Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/147

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avec leurs pensées, et firent sept lieues. À la porte de Sacy, et prêts à se séparer, Blaise répondit enfin : — « Et ben verts ! » Et ces deux êtres n’étaient pas les seuls qui fussent silencieux à ce point dans Sacy… Mais il est ici question de Jacquot, second fils de Blaise. Il avait beaucoup du caractère de son père, sans lui ressembler entièrement ; il parlait davantage ; mais il avait la même apathie. Je pris pour Jacques une amitié fort vive, qui fut un effet de la bonté de son naturel. J’aimais sa compagnie, et pour en jouir plus à l’aise, j’usai d’un petit stratagéme : toutes les veilles de dimanches et fêtes, je Fuitaine.manquais l’école du soir, et j’allais rejoindre Jacquot aux champs : mon raisonnement était, qu’y ayant un jour d’intervalle, le maître d’école ne s’en souviendrait pas. Cela m’a toujours réussi ; mais je crois que Jacques Bérault était bien aise de me donner une marque d’indulgence. Je ne saurais exprimer qu’imparfaitement le plaisir que je trouvais à parcourir les campagnes avec le berger Jacquot, qui me faisaitVie des bergers. toujours quelques contes, dont j’étais fort avide ! Et ceci prouve encore que les anciens bergers furent les premiers qui firent des vers, des contes, des histoires, durant leurs loisirs ; car les garçons de charrue, les vignerons, et même les batteurs en grange qui veulent employer leur temps, ont trop de peine, pour avoir l’imagination libre et riante, qui porte à faire de longs récits ; il les réservent pour les veillées des soirées d’hiver… Indépendamment des contes que me faisait Jacquot, mon