Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/222

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comme le plus beau en sortant de Nitry. Je marchais à côté de ma tante, qui me tenait une main ; je tenais de l’autre celle d’Anne Simon, que sa mère m’avait donnée devant son père et le mien ; Edmée Boissard était de l’autre côté de ma tante ; mon père était au dernier de trois rangs de vieillards, suivi de toutes les autres jeunes filles, après lesquelles étaient les mères ; les garçons fermaient la marche. Le ciel était pur ; les fleurettes d’une plaine immense, terminée par un bois, embaumaient l’air rafraîchi par le zéphyr ; nous écoutions mon père, qui nous répétait les discours du sage maître d’école Christophe Berthier, tels que je les ai rapportés dans sa Vie, et l’attendrissement fut général ; il parut surtout dans les beaux yeux d’Edmée Boissard, qui entendait célébrer les vertus de son aïeul maternel. Nous nous séparâmes à la fin du second discours. Tout le monde nous embrassa. La famille, en quittant mon père, paraissait quitter le sien : car elle le regardait comme son chef, et son séjour à Sacy les peinait tous. S’il avait dit : — « Je reviens habiter parmi vous ! » ç’aurait été un jour de fête, non seulement pour notre famille, mais pour tout Nitry. J’observai que ma bonne tante et sa compagnie se retournèrent plus de vingt fois ; pour mon père, il était ému, mais silencieux.

Lorsque nous fûmes descendus dans la vallée de la Farge, où nous ne pouvions plus être vus, mon père me dit : — « Nicolas, nous venons de l’endroit où je suis né ; il m’est plus cher à ce titre,